Comment écrire sur Casanova, qui s'est lui-même chargé de tout dire, de tout enjoliver sur ses aventures, périlleuses, amoureuses, rocambolesques dans son Histoire de ma vie ? Jaubert relève brillamment le défi en un récit composé de trente historiettes, trente pièces de théâtre dont Casanova est le héros, faisant fi de la chronologie et empêchant ainsi l'ennui dont son sujet aurait eu horreur. L'immense érudition de Jaubert ne se hausse jamais du col et permet de décrire au détour d'une phrase, d'une situation, une anecdote invraisemblable. Venise est partout, dans ses prisons où Casanova a tant souffert, dans les gondoles, dans les bordels, dans les salons où l'on pratique la sorcellerie. Casanova est obsédé par le sexe et l'on découvre cent portraits vifs de jeunes charmeuses. Mais il manie l'humour avec verve, même à ses dépens. Le corps est là, décrit dans ses fonctions les plus nobles et les moins ragoutante. Le lecteur est bousculé, un peu décontenancé par ce fil sans cesse rompu, repris, perdu, ravaudé, pour être entraîné inexorablement dans un univers de poète, un peu truand, drôle, souvent sentimental. Venise au dix-huitième siècle sert de toile de fond à ces trente tableaux. Les récits d'Alain Jaubert forment un portrait diffracté, inoubliable, d'un homme extraordinaire, un prince des Lumières fragile et attachant.
