Éditeur(s) : Kana 2005
Auteurs: Moebius et Taniguchi
Tokyo est la cible d'attaques terroristes kamikazes occasionnées par des hommes-éprouvettes capables de s'«auto-exploser». Dans ce contexte vient au monde un enfant hors normes capable de voler. Le monde scientifique est immédiatement aux aguets et le nourrisson, baptisé Icare, est isolé sous le couvert du secret défense. Vivant en cage, complètement coupé du monde, il sera docilement un sujet d'étude pendant vingt ans. Mais il est impossible de canaliser éternellement un être doté d'un tel pouvoir...
Icare est une histoire imaginée par Moebius il y a maintenant quinze ans. Curieux de collaborer avec des auteurs japonais, il écrivit à l'époque une immense saga autour d'un enfant volant, dans un univers extrêmement riche. Lorsqu'il fut présenté à Jirô Taniguchi, le projet se concrétisa rapidement. Le mangaka a alors retravaillé le scénario, repensant par exemple l'approche sexuelle beaucoup plus trash à l'origine (sadomasochisme, scatologie), et les premières pages furent publiées en 1997 dans une revue hebdomadaire. Mais, le succès n'étant pas au rendez-vous, l'entreprise ne put être menée correctement à son terme et Taniguchi dut se contraindre à quelque peu accélérer l'histoire et y apporter une conclusion abrupte. Ainsi, Icare est construit sur un univers dense et complexe, regorge de très bonnes idées, mais en fin de lecture, de nombreuses questions restent sans réponses et la frustration est inévitable. Malgré cela, l'histoire est passionnante d'un bout à l'autre.
Le récit d'un enfant aux pouvoirs exceptionnels tenu au secret par des scientifiques fait évidemment penser à Akira. Une référence totalement assumée et renforcée par un style graphique très proche de celui d'Otomo. Taniguchi montre en effet une nouvelle étendue de son talent. Lui qui nous avait habitué à un style très posé, lent et contemplatif, il nous surprend ici avec des scènes d'action de toute beauté et d'une rare efficacité. La pudeur et la retenue qu'on lui connaît laisse aussi la place à la sensualité, même si elle est traitée avec beaucoup de sensibilité, loin de l'idée première que devait s'en faire Moebius. Le résultat est donc moins personnel et représentatif du répertoire de Taniguchi, mais ça n'en est pas moins une réussite totale et un vrai régal pour les yeux.