Les milles facettes d'un génie explorées par un spécialiste du genre.
La vie de Chateaubriand (1768-1848) justifie le mot de Lamennais : "Il est à lui seul toute une comédie." Et celui de Lamartine : "C'était un génie, mais c'était aussi un rôle plus qu'un homme. Il lui fallait plusieurs costumes devant la postérité." Ecrivain, voyageur, opposant de marque, ambassadeur, ministre, polémiste, oracle, amant ou idole des femmes en vue, pilier de la foi, il a constamment occupé la scène. Romancier inégal, historien novateur, pamphlétaire étincelant, il déploiera tout son génie dans l'art de conter sa vie pour la rendre conforme à l'idée qu'il s'en était faite. "Bourbonien par honneur, dit-il de lui-même, monarchiste de raison , républicain par goût et par caractère", traditionnaliste et moderniste, conservateur et libéral, il incarne et annonce tous les courants qui auront agité et façonné la société du XIXe siècle. Cette existence multiple, cet "enchanteur" pétri de contradictions, Ghislain de Diesbach les raconte et les dissèque en écrivain de race, avec l'élégance de style et l'esprit savoureux qui imprègnent ses biographies, en historien rigoureux, en scrutateur subtil et incisif des grandeurs et des faiblesses de son héros. De son enfance à Combourg à sa mort rue du Bac, à travers ses pérégrinations, ses écrits, ses états d'âme, ses actes et ses postures, Ghislain de Diesbach met à nu l'homme et l'écrivain. Il le dépeint farouchement indépendant, admettant mal d'obéir à un souverain à moins d'être son mentor, assoiffé de reconnaissance et d'applaudissements, bardé d'orgueil et de susceptibilité, toujours à court d'argent, croyant une grande carrière politique indispensable à la consécration de son talent, "se créant des obstacles, disait Mme de Boigne, pour avoir l'amusement de les franchir", aimé des femmes plus qu'il ne les aimait, inventeur d'un "mal du siècle" qu'il ne ressentait pas, obligé par le succès du Génie du Cristianisme d'assumer une foi qui n'était guère ardente. Bien qu'il soit célébré dès le début du siècle comme le premier écrivain de son temps, bien qu'il ait obtenu ministère, ambassade et pairie, son appétit de gloire ne sera jamais assouvi. Il augmentera avec l'âge, au point de fournir à Talleyrand l'un de ses plus jolis traits : "Chateaubriand se croit sourd depuis qu'il n'entend plus parler de sa gloire." Pour son biographe, Chateaubriand eût été plus admirable encore s'il avait écouté Louis XVIII : "Qu'il est grand quand il ne se met pas devant lui ."