Oubliés.
Rejetés.
Jetés.
Des gens sans importance, tombés un jour à la rue et dans la déchéance, animaux gênants et nuisibles aux yeux de la société.
Simples denrées périssables ou consommables jetables, auxquels on accorde la même place qu'aux ordures, ils suivent la même voie que les déchets produits en quantités astronomiques par l'organisme insatiable qu'est la mégalopole.
Gaspillage insensé, destruction de ce monde, tout se périme et se jette, tout lasse et s'abandonne pour finir entassé dans ce bourrier immonde, dans la décharge-monde.
À perte de vue s'étend un océan de déchets, alimenté en permanence par d'interminables caravanes de tombereaux aux ventres lourds et pleins, intarissables confluents et dégueulasses effluents qui se déversent ici en une ininterrompue affluence.
Les camions viennent vomir sur ce dépôtoir, y dégueuler en abondance le fruit mal digéré de la consommation de masse.
Nouvel asile pour les plus démunis, nouvelle terre promise où tout est à nouveau possible sans le regard accusateur de ceux qui ont et qui possèdent, ils veulent à nouveau être, pousser dans ce terreau fertile sur lequel la vie va reprendre racine et les abandonnés se reconstruire.
Se réorganiser, retrouver fierté et vie sociale, ils recyclent à leur avantage ces excédents de production et font du gaspillage une bénédiction.
Tout se récupère et se revalorise, tout se mange ou s'utilise.
Et si aux yeux de certains les miséreux eux-mêmes avaient soudain une valeur marchande ?
Tourisme de la misère, impunité totale... le recyclage est en marche.