Dieu en ses royaumes évoque les affrontements religieux dans la France des années 1490-1610 en racontant une histoire saturée d'angoisses
et de rêves.Au commencement, il y eut le tragique d'une grande peur de la damnation face à un Dieu toujours plus distant et menaçant. La fin
des Temps approchait et chacun se devait de se préparer au face-à-face avec le Christ,dans la pénitence, la prière et une obsession de pureté
exigeant l'éradication violente de tous ceux qui attisaient par leur impiété ou leur hérésie la fureur divine. En contrepoint de ce noircissement
culpabilisant du monde humain, Calvin proposa au fidèle une voie alternative et libératoire qui supprimait l'angoisse du salut en portant le fidèle
à vivre dans une « bonne crainte » de Dieu. Au plus profond des guerres de Religion qui opposèrent « papistes » et « huguenots », ou plutôt au
cœur même de la dynamique des fixations confessionnelles, s'installait la violence d'un conflit entre hantise eschatologique et
désangoissement : deux royaumes de Dieu s'affrontaient. Dans le cours de cette histoire saccadée, le centre de gravité dramatique se déplaça :
le pouvoir monarchique tenta d'entraver la crise en fixant dans la personne royale la mission messianique d'établissement d'un ordre de paix
transcendant le jeu mortifère des imaginaires. Dieu en ses royaumes raconte alors l'histoire d'un second grand conflit, opposant les rêves
apocalyptiques et violents des catholiques intransigeants à l'utopie de modération d'un roi Christ luttant contre les passions de ses sujets, une
modération dont les grandes figures furent Michel de l'Hospital, Catherine de Médicis, Charles IX et son frère Henri III. C'est à la monarchie d'
Henri IV qu'il revint de clore cette tragédie par le truchement d'un autre jeu de symbolisation. L'Histoire fut alors érigée, à travers la figure d'un
roi providentiel guidant ses sujets vers un nouvel âge d'or, en une instance de résorption des angoisses et des peurs eschatologiques.