Avant 1914, les industries françaises du cinéma et de l'aviation dominent le monde. La cause de cette situation est la guerre des patents déclenchée aux Etats-Unis par Edison et les frères Wright. Les litiges judiciaires paralysèrent ces deux industries naissantes, alors qu'en France - un pays où un système alternatif de "prix et concours" existait de plus dans l'industrie des avions - il n'y eut aucun conflit important en matière de brevet.
En comparant les évolutions des deux côtés de l'Atlantique, on peut constater qu'il y avait deux définitions différentes de la même institution. La représentation juridique de l'invention et des droits des inventeurs n'était pas la même ; il en était de même des procédures administratives et judiciaires ; et le tout encadrait le comportement des inventeurs, des industriels et des hommes de loi. Le patent américain, à la différence du brevet d'invention français, donnait la possibilité de produire des brevets larges, dans le but de contrôler une industrie en tout ou en partie.
L'importance des enjeux explique alors le conflit. Pour signer enfin la "paix des patents", les propriétaires des titres finirent par former différents pools de brevets. L'un d'entre eux - la MPPC - fut condamné pour infraction à la loi Sherman. Mais dans l'automobile, marquée par l'affaire du brevet Selden, et dans l'industrie des avions, les industriels s'autorisèrent mutuellement le libre usage de leurs innovations, ce qui favorisa l'innovation et permit l'essor de l'industrie.
On a là une expérience "d'abolition locale du système des patents".
Pierre-André Mangolte est agrégé es-sciences sociales et docteur es-sciences économiques. Comme chercheur au CEPN de l'Université Paris 13, il a travaillé sur le changement technique et son cadre institutionnel, et sur les droits de propriété intellectuelle, en particulier le copyright (et le logiciel libre) et les brevets.