Le 11 Septembre, la guerre en Afghanistan et en Irak, le populisme médiatique au pouvoir : les premières années du troisième millénaire ne pouvaient pas échapper à l'analyse ravageuse d'Umberto Eco. Après la chute du mur de Berlin, il a fallu exhumer de vieux atlas pour retrouver les frontières oubliées depuis la guerre de 1914. De la guerre froide, on s'est empressé de retourner aux guerres les plus chaudes. Nous avons ressuscité le vieux combat entre Islam et Chrétienté, et le cri ancestral de " Sauve qui peut, voilà les Turcs ! ", nous ramène au temps des Croisades... Il semblerait que l'histoire, à bout de souffle après les bonds qu'elle a effectués au cours des deux précédents millénaires, se soit affaissée sur elle-même et se précipitent à reculons, comme une écrevisse.
Dans ce livre, est rassemblée une série d'articles et d'interventions écrits entre 2000 et 2005. Période cruciale qui a vu se succéder les angoisses face au nouveau millénaire, le 11 Septembre, les deux guerres en Afghanistan et en Irak ; et, en Italie, le triomphe du populisme médiatique. Je n'ai donc retenu que les écrits qui se référaient aux événements politiques et médiatiques de ces six années. Le critère de sélection m'a été suggéré par l'un des derniers «papiers» de mon précédent recueil d'articles (La bustina di Minerva), intitulé «Le triomphe de la technologie légère». Sous la forme du faux compte rendu d'un livre attribué à un certain Crabe Backwards, je faisais remarquer que, ces derniers temps, ont eu lieu des évolutions technologiques qui constituent de véritables pas en arrière. J'observais que la communication était entrée en crise vers la fin des années soixante-dix. Jusqu'alors, l'outil principal de communication était la télévision en couleur, une caisse énorme qui trônait, encombrait, émettait dans l'obscurité des lueurs sinistres et des bruits susceptibles de déranger le voisinage. Un premier pas vers la communication légère avait été accompli avec l'invention de la télécommande : avec elle, non seulement le téléspectateur pouvait baisser ou carrément couper le son, mais aussi éliminer les couleurs et zapper. Passant d'un programme à l'autre, le spectateur était déjà entré dans une phase de liberté créatrice. Mais la vieille télé, en transmettant des événements en direct, nous rendait dépendants de la linéarité même de l'événement. Nous avons été libérés du direct par le magnétoscope, grâce auquel non seulement on est passé de la Télévision au Cinématographe, mais le spectateur, soudain en mesure d'avancer ou de revenir en arrière, a cessé d'être passif devant l'écran. A ce stade, on aurait même pu éliminer complètement le son et commenter la succession des images en désordre par des bandes sonores de piano mécanique synthétisées par ordinateur. Et, vu que les chaînes elles-mêmes, sous prétexte de venir en aide aux malentendants, avaient pris l'habitude d'incruster des sous-titres pour commenter l'action, on aurait eu bientôt des programmes dans lesquels, tandis que deux personnes s'embrassaient en silence, serait apparu un encadré disant "Je t'aime".