L'eurozone a jeté le masque. S'il en était encore besoin, 2015 aura été la date de la pleine révélation, et la Grèce son lieu. Nous savons désormais quel cas l'Union monétaire européenne fait des peuples européens et de la démocratie. La brutalité sans frein, le chantage ouvert, l'humiliation sans pitié : rien n'a été épargné au gouvernement Syriza - mais c'est qu'il s'agissait de faire un exemple. Un exemple pour montrer à tous ce qu'il adviendra à tout gouvernement authentiquement de gauche en Europe.
Syriza a été broyée. Mais ce sont sa pusillanimité stratégique et le refus d'envisager la rupture qui ont scellé son échec. Il est temps, pour tous ceux qui à gauche ont trop longtemps poursuivi la chimère d'un « autre euro possible », de méditer cette leçon : il n'existe aucune solution institutionnelle de transformation réellement progressiste de l'euro. Les institutions de l'euro ne laissent que le choix de les souffrir, de les fuir ou de les détruire. C'est à la gauche qu'il appartient de rompre, et dans les formes d'un internationalisme enfin bien compris.
Frédéric Lordon est économiste et philosophe au CNRS, il est l'auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels Imperium. Structures et affects des corps politiques (La Fabrique, 2015) ou La malfaçon. Monnaie européenne et souveraineté démocratique (LLL, 2014).