En avril 1945, Budapest est libérée par l'armée russe au terme d'un siège implacable. Cet épisode historique, que Sàndor Màrai évoquera vingt-cinq ans plus tard dans ses Mémoires de Hongrie, lui inspire, à chaud, ce roman qu'il achève en quelques mois. Pendant les dernières semaines du siège, une centaine de réfugiés se terrent dans les caves d'un immeuble, attendant l'issue d'un combat incertain. Autour de la jeune Élisabeth, fille d'un savant renommé, résistant au nazisme, se rassemblent toutes sortes de gens. Au fil des jours, dans l'atmosphère oppressante de ce huis clos, les caractères se révèlent, les masques tombent.
Extrait :
"Que se passe-t-il dans l'âme des hommes à présent qu'ils ont perdu ce qui fait d'eux des êtres humains ? Que se passe-t-il dans l'âme d'un être resté fidèle à un pacte implicite et explicite entre les hommes et à la solidarité, dans un monde qui renie toute loi humaine et qui, pris d'une rage insensée, se détruit ? (...) Quelle peut être la motivation d'un homme comme le sabbathien ? Ce n'est pas l'argent. Il ne promet rien, n'implore pas, ne hait point, ne veut rien, n'a pas de projets à long terme. Il se contente d'agir alors que tous sont terrifiés d'agir ; il "accepte" quelque chose alors que les seules pulsions animant les hommes sont un égoïsme sauvage et un instinct de survie qui les fait gémir et geindre. Est-ce parce qu'il est croyant, que c'est un homme de foi ?... Peut-être. Mais peut-être est-ce tout simplement un homme, dont l'âme et le corps sont régis par une seule et même loi, une pulsation vitale contre laquelle il ne peut combattre. Cent mille personnes n'ont pas apporté d'aide ; celui-là seul a bien voulu. Et on ne peut percer à jour le "secret" de cette homme-là."