» Article de 25.03.2016 » page 4

John-Erich Nielsen - Caviar et nuits blanche


Quand la mort surgit dans les eaux glacées du Pacifique, la croisière de rêve se transforme en un terrible cauchemar ! Le prospectus de l'agence était alléchant : Embarquez pour une croisière de rêve au large de la Terre de Feu. Naviguez une semaine dans le sillage des baleines bleues. Partez à la découverte d'icebergs aux proportions gigantesques. Du caviar pour les yeux... Comment résister ? Mais voilà... Depuis notre départ, la réalité s'avère bien différente. Avec l'été austral, le soleil ne se couche jamais. Je n'ai pas fermé l'oeil depuis trois jours. Hier, j'ai bien failli mourir gelé dans une tempête. "Un accident", m'a expliqué le capitaine. Enfin, ce matin, un passager allemand est décédé dans sa cabine. Décidément, le caviar promis me reste sur l'estomac. Une malédiction semble s'acharner sur le navire. A moins qu'il ne s'agisse de tout autre chose...



J.M. Machado de Assis (2015) - Ce que les hommes appellent amour - Mémorial de Aires


Ce journal intime du diplomate brésilien Aires, revenu à Rio après trente années en Europe, est fait de petites touches ironiques sur le vieillissement, l'amour, l'ambiguïté des sentiments et l'abolition de l'esclavage.



Flannery O'Connor - Les braves gens ne courent pas les rues


Dix nouvelles de la grande romancière américaine. Tout le monde prend vie en quelques secondes, et s'impose à nous : tueurs évadés du bagne, un général de cent quatre ans, une sourde-muette, une jeune docteur en philosophie à la jambe de bois, un Polonais que la haine des paysans américains accule à une mort affreuse, et, grouillant à l'arrière-plan, les petits fermiers, les nègres paresseux et finauds.

Les braves gens ne courent pas les rues, telle est la morale assez pessimiste qui se dégage de ces récits. Flannery O'Connor possède, comme Dickens, le don de la caricature mais aussi un humour implacable, une fantaisie grinçante jusque dans le tragique et l'horreur.



Flannery O'Connor - La sagesse dans le sang



Petit-fils d'un évangéliste qui parcourait le Tennessee « portant Jésus dans la cervelle comme un aiguillon », Hazel Mates a résolu de devenir, comme son grand-père, un prêcheur ambulant, mais ce sera pour fonder une secte nouvelle : l'Église sans Christ. Refusant de croire au péché, il n'a que faire d'un Rédempteur. Son fanatisme d'illuminé fournit de faciles excuses à la libre satisfaction de ses pires instincts. Il finit, après avoir assassiné un faux prophète qui lui fait concurrence, par se brûler les yeux avec de la chaux vive, espérant apercevoir ainsi, dans les ténèbres, les vérités que lui cache son hérésie. Un jour d'hiver, la police le retrouve agonisant dans un fossé : les souliers pleins de pierres et de verre pilé et le torse ceint de fils de fer barbelés. Les agents ramènent son cadavre chez sa logeuse, Mrs Flood. Persuadée qu'il avait quelque argent, celle-ci avait rêvé de l'épouser.

Parce que Flannery O'Connor, fervente catholique, estime que les évangélistes qui foisonnent aux États-Unis, surtout dans les États du Sud, font de la religion une indécente caricature, elle a, pour raconter l'histoire de Hazel Motes, employé le ton de la farce. Ses personnages ont quelque chose de guignolesque tout en restant profondément humains : Leora Watts, chez qui Hazel perd sa virginité ; Asa Hawks, le faux aveugle, et sa fille Sabbath Lily ; Onnie Jay Holy, l'évangéliste à la guitare, et son complice Salace Layfield ; et surtout Enoch Emery qui a « la sagesse dans le sang ». C'est lui qui se charge de trouver pour Hazel un nouveau Christ qui ne sera pas fils de Dieu et ne donnera pas sa vie pour le rachat des pécheurs. C'est une momie qu'il vole dans un musée, installe dans sa table de toilette dont il a fait un tabernacle et finalement apporte à Sabbath Hawks, qui, parodiant la Nativité, la berce comme un enfant Jésus.

Dans ces diverses scènes où la violence s'allie à un grotesque souvent proche des gags de cinéma, Flannery O'Connor stigmatise, en les concrétisant, les déformations sacrilèges que l'hérésie produit dans l'âme de quiconque s'écarte de l'orthodoxie catholique. Mais la pitié n'est pas absente de sa condamnation. Le sort tragique des évangélistes l'émeut, autant que leur pittoresque absurdité l'amuse. D'où la profondeur et la puissante originalité de La sagesse dans le sang.



Anne Wiazemsky - Je m'appelle Elisabeth


«Betty sursauta. Cette fois, elle était sûre d'avoir entendu crisser le gravier. Quelqu'un se déplaçait le long du mur de la villa, se rapprochait de sa chambre. Du salon, la radio toujours allumée diffusait les accords de harpe qui annonçaient le début de l'émission Le Masque et la Plume. Betty, alors, se leva et se dirigea vers la fenêtre avec le sentiment précis qu'une chose horrible l'y attendait. Elle ne se trompait pas. Posée sur le rebord, la tête décapitée d'un écureuil la regardait.»

La vie de Betty, douze ans, se transforme le jour où elle rencontre Yvon, un malade échappé de l'hôpital psychiatrique. Elle décide de le protéger et le cache dans sa cabane. Elle ose, mue par un appel mystérieux vers «une autre vie», défier l'autorité paternelle, braver la police et transgresser les règles.


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