Bucky Wunderlick, rock star et messie en herbe, est en pleine crise spirituelle. Au beau milieu d'une tournée, il laisse tomber son groupe pour se terrer dans un appartement minable de l'East Village afin de mettre de la distance entre lui-même et la machine paranoïde qui propulse la culture qu'il a lui-même contribué à créer.
Pendant que son fidèle fan-club attend le message qu'il ne devrait pas manquer de délivrer, Bucky est la proie de toutes sortes de forces troublantes auxquelles il tente d'échapper.
Pénétrante approche d'un monde, celui du rock, où fusionnent art, loi du marché et décadence urbaine, Great Jones Street reflète les cauchemars et les hallucinations de son temps (le livre est écrit en 1973), de l'effroi au clinquant, et s'affirme comme l'un des plus pertinents romans jamais écrits sur les arcanes de la pop culture.
Dans une époque de nostalgie, la nôtre, où le rétro-futur est l'une des valeurs les plus sûres de la culture occidentale telle que les médias l'informent et la déforment, on ne peut que se réjouir d'avoir l'occasion de revenir à un texte fondateur, celui d'un écrivain qui a pris à bras-le-corps un sujet dont il fut intimement contemporain : quand cet écrivain s'appelle Don DeLillo, on peut être certain d'avoir à affronter de cette époque déjà lointaine mais matricielle à bien des égards, une vision véritable, dérangeante et engagée, loin des clichés qu'engendre toute récupération mercantile a posteriori.
Sur les origines d'une certaine culture, toujours prégnante quoique détournée de ses objectifs premiers, Great Jones Street n'est donc rien moins qu'un texte indispensable où se manifeste déjà tout le talent et la singularité du Don DeLillo ultérieur : de la paranoïa créatrice aux dialogues "de compétition", de l'intelligence des êtres à la causticité du regard, de la lucidité à la connaissance de la folie qui toujours la menace.