"Ainsi les hommes se sont-ils appliqués de manière pratique à la réalité effective. Si concrète que soit la liberté en elle-même, elle n'en a pas moins été appliquée sous forme non développée, dans son abstraction, à la réalité effective, cela veut dire la détruire. Le fanatisme de la liberté, une fois aux mains du peuple, devient terrible. En Allemagne, le même principe a retenu l'intérêt de la conscience ; mais il a été développé de manière théorique. Nous avons, nous, la tête assaillie et envahie par toutes sortes de bruits, mais la tête allemande préfère garder tranquillement son bonnet de nuit, et opère à l'intérieur d'elle-même."
La vie intellectuelle de la République de Weimar a donné naissance à une forme de marxisme qualifié d'"ouvert". Ce texte fondamental marque en l'occurrence la naissance du marxisme critique. Il eut en 1923 un impact plus considérable encore que Histoire et conscience de classe de Georg Lukács. Il gêna en son temps, tant il ne pouvait être repris ni par les marxistes orthodoxes, ni par les sociaux-démocrates.
Karl Korsch procède à une analyse épistémologique de la théorie marxiste. Et en vient à rejeter toute pensée dogmatique puisqu'il lie intimement la théorie et la praxis, se mettant ainsi en porte-à-faux avec le marxisme orthodoxe qui apparaît en contradiction avec le mouvement historique réel. Pour Joseph Gabel, Marxisme et philosophie pointe du doigt "la cristallisation d'une forme de fausse conscience politique". L'obsession de Korsch : combattre le dogmatisme, pour une désaliénation. En rappelant l'indissociabilité entre conscience sociale et rapports de production, ce texte constitue un instrument pour penser notre époque.