Jean-Paul Clébert marche, déambule, se faufile, dort sous un pont, se repose à un zinc, repart de plus belle dans un Paris tentaculaire, celui des années 50 que l'on arpente au rythme de ses pieds, un pas après l'autre, tranquille. Il fait du vagabondage un art de vivre, un art d'écrire. Reporter sans frontières dans une ville ouverte au monde, il fait de petits riens - un visage entrevu, quelques mots échappés d'une bouche gouailleuse... - des sortes d'aventures épiques. Peu lui importe le mal manger, le mal dormir, pourvu qu'il ait l'ivresse.
Jean-Paul Clébert (né en 1926), l'homme libre, clochard parmi les gens de peu, a l'ivresse particulière : bien sûr, le petit rouge, mais il se soûle de quelque chose de vaste, de plus inattendu, qu'il nomme « paysage humain ». Il boit les hommes, les femmes, les gosses de la rue. Il se repaît d'une humanité qui grouille, crie, pleure, rigole, s'embrasse. Il regarde tout ce petit monde au ras du bitume, à portée de plume, l'écoute, l'admire - mieux, il l'aime. Il écrit : « Je voudrais m'attabler avec eux, discuter, devenir un familier, connaître les femmes par leur prénom, les hommes par leurs travers. » Jean-Paul Clébert est un ogre qui digère l'insolite et le ressuscite en phrases sinueuses, vivaces, terriblement... enivrantes.
Publié en 1952 aux éditions Denoël par un certain Blaise Cendrars, Paris insolite connut un succès formidable. On cherchera en vain ici une quelconque nostalgie d'un Paris forcément disparu.
Plus d'un demi-siècle après sa publication, Paris insolite vaut toujours pour ce qu'il fut : un fantastique reportage au coeur de la vie, avec, en prime, un éloge magnifique de la belle écriture.