Dumarest se pencha vers le vieillard. Quel âge pouvait-il avoir ? Mille ans peut-être...
- Souvenez-vous ! Cherchez, bon sang ! Parlez-moi de la Terre. De la Terre, vous dis-je !
Dumarest se tut brusquement quand les paupières du vieil archiviste papillonnèrent et qu'il se mit à chantonner d'une voix craquelée :
-Trente-deux, quarante, soixante-sept, c'est le chemin du Paradis.
Soixante-dix-neuf, soixante, quarante-trois, une rade s'ouvre sur la mer...
Etait-il fou, le vieux, avec sa bouche tordue formant un sourire grimaçant et vide ? Etait-ce le babil d'un cerveau dérangé ?
Ou s'agissait-il des coordonnées de la Terre ?

Le Gardien des Terridae considéra Dumarest avec hauteur.
- Normalement nous aurions dû vous détruire dès votre intrusion parmi nous. Dites-moi, maintenant, si vous trouvez toujours la question aussi stupide ?
- Vous voulez donc que je vous donne une seule bonne raison de me laisser en vie ? répéta Dumarest en approchant discrètement la main du poignard dissimulé dans sa botte.
Un acte désespéré, mais s'il devait mourir, il essaierait au moins d'emmener le Gardien des Terridae avec lui. Les Terridae (il venait subitement de faire le rapprochement). Terridae... Terr... la Terre !
- Il existe au moins une raison de ne pas me tuer ! s'écria-t-il en s'en remettant à sa chance. Je suis né sur la planète que vous vénérez. Je viens de la Terre...

- Désolé, mon vieux, dit Dumarest, mais je n'ai pas le choix, c'est votre vie ou la mienne.
- Non ! s'écria Zalman, laissez-moi au moins une chance de vous expliquer. Earl ! (il haletait, la gorge prise dans un étau.) Au nom du Ciel, écoutez-moi ! Je peux vous guider jusqu'à la Terre !
La Terre ? Dumarest relâcha son étreinte.
- Oui, la Terre, reprit Zalman. Earl, je sais où elle se trouve !
L'homme disait-il la vérité ? Etait-ce enfin le bout du voyage pour Dumarest ?

Dumarest regardait l'homme qui n'arrêtait pas de tourner en rond comme un animal blessé. Muhi avait été un athlète magnifique, mais maintenant il ressemblait à un pantin désarticulé, se déplaçant par brusque saccades, comme si une terreur indicible l'habitait. Et d'autres, aussi puissants que lui, étaient revenus dans un état pire encore.
A son tour, Dumarest allait entreprendre le voyage. Sa mission : ramener l'esprit d'Iduna, l'héritière du matriarcat d'Esslim, emprisonné par un étrange objet venu d'un autre monde.
Sa récompense incertaine : la liberté.
Sa destination certaine : l'Enfer.

L'animal était cuirassé pour résister à un environnement d'une hostilité sans pareille. Son corps de serpent géant était recouvert d'écailles, ses yeux protégés par d'épaisses membranes transparentes, sa mâchoire armée de crocs redoutables...