Sarah a arrêté de respirer. Son mari est mort dans un accident de moto avec sa maîtresse. Coulant à pic dans une profonde dépression, la jeune femme réapprendra lentement à laisser l'air entrer dans ses poumons. Sur les bords du fleuve Saint-Laurent, aux côtés d'Alix, elle retrouvera celle qu'on lui avait appris à ne plus être.
Sarah fait les cent pas au bord de la route. Le vent s'engouffre sous sa veste et lui donne la chair de poule. Elle rentre le cou dans les épaules et remonte le col de son manteau. Ses yeux sont attirés par la vaste étendue d'eau froide et salée. Un fleuve profond, hanté par des milliards d'individus singuliers. Sarah pense à sa mort dont elle pourrait hâter la venue. Si l'enfer existe, elle y retrouverait Pierre et se ruerait sur lui pour le gifler. «Salaud. Tu n'avais pas le droit de me faire ça», murmure-t-elle. Elle se retourne vers Alix, qui l'interpelle à la sortie du restaurant. Il est temps de reprendre la route. Quelques fils la retiennent encore à la vie.