Éditeur(s) : Dupuis 1997-2008
Auteur : Cosey
Deux vétérans du Vietnam s’échappent de leur quotidien morose pour quelques jours de vacances dans la famille italienne de l’un d’entre eux. L’occasion de refaire le monde dans un paysage de rêve, mais surtout de rejoindre leur amour de jeunesse commun, la mystérieuse et exubérante Shirley, qu’ils n’ont pas vraiment oubliée malgré son exil européen une vingtaine d’années auparavant.
Rééditant quelques-uns des joyaux parus sous la bannière Aire Libre à l’occasion de son vingtième anniversaire, les éditions Dupuis ne pouvaient évidemment pas ignorer cet album qui avait si joliment ouvert cette superbe collection. Publié à l'origine en deux volumes, il est ici présenté dans une magnifique édition intégrale qui permet au lecteur de savourer d’un seul tenant ce superbe récit.
Délaissant les montagnes de Jonathan (et de Peter Pan), Cosey se penche cette fois sur l’intimité d’un homme mélancolique, partagé entre la tristesse d’une vie sans relief et l’espoir inavouable de ressusciter un amour adolescent. Sur un schéma finalement très conventionnel (amitié virile et amour partagé, secrets, orgueil blessé, non-dits…, l’auteur dépeint des personnages attachants et parvient à émouvoir sans sombrer dans le sentimentalisme grâce à un style tout en retenue. C’est par un regard, un soupir, un geste esquissé que Cosey laisse exprimer leurs émotions à ses protagonistes, plus sûrement que par des dialogues qui sont pourtant remarquablement justes. L’histoire est simple, le cheminement prévisible, mais elle fonctionne à merveille.
Le rôle du dessin dans cette réussite est capital. Virtuose du décor, aussi à l’aise dans ces petits ports de pêche écrasés par le soleil que dans les montagnes himalayennes, Cosey compose évidemment une Italie rurale de carte postale, terrain propice aux confidences que recherchent désespérément ses héros. Tout semble destiné à créer une ambiance mélancolique, le trait délicat, presque effacé, les couleurs douces, on entendrait presque la musique de Nino Rota s’élever subtilement de ces pages ensoleillées. Le voyage en Italie, c’est aussi un peu le lecteur qui le fait, grâce à un cet album incontournable. L’un des meilleurs de l’auteur, et peut-être de la collection Aire Libre, ce qui n’est pas peu dire.