Trente ans d'enfermement, ça laisse des traces, des marques, des blessures. Des obsessions aussi quand on est libéré. Des obsessions, Dondog Balbaïan n'en manque pas. Et non des moindres : "Régler des comptes avec deux ou trois personnes. Tuer deux ou trois personnes, et ensuite m'éteindre." Un programme minimum comme un autre ! Il y a juste un problème, un tout petit problème : il souffre d'amnésie depuis l'enfance. Un handicap certain pour assouvir une vengeance personnelle, un besoin ruminé et mâché à partir de souvenirs improbables. Restent malgré tout des noms qui reviennent, inlassablement, qui trottinent dans la caboche de cet Ybur quinquagénaire, échappé d'une extermination, interné, longtemps, trop longtemps. Dondog est le tableau d'un monde futuriste, entre Mad Max, le Bunker Palace Hôtel d'Enki Bilal et Metropolis de Fritz Lang. Un monde inquiet et inquiétant, peuplé de rats, de cafards, partagé entre les bons et les méchants, les traîtres, les paumés et les ennemis du peuple. Dans cet univers obscur de suspicions, d'interrogatoires, de dénonciations, les êtres disparaissent, la révolution mondiale s'éparpille en poussière "comme une bouse sèche", les golems s'effondrent, le sens de l'histoire s'inverse, les rêves trahissent la réalité. Rien de moins qu'une fresque moderne, avec quelques relents policiers et politiques, articulée autour de l'apocalypse intime et collective. Une fresque diablement éprouvante !