Avec L'Archange du Chaos, Dominique Sylvain abandonne les rives de la comédie policière où s'ébattaient Lola Jost et Ingrid Diesel et plonge dans le thriller psychologique sous très forte tension. On y fait la connaissance du commandant Bastien Carat - au physique qui "évoque une oeuvre de Fernand Léger" - dont le groupe est fortement déstabilisé, notamment par la mise à pied, pour cause d'alcoolisme, du capitaine Colin Mansour, l'ami d'enfance du commandant. Alors que le groupe va devoir affronter une des affaires les plus noires de l'histoire de la police, l'intégration à l'équipe du très jeune lieutenant Franka Kehlmann, qui a débuté sa brillante carrière à la Financière, grâce, notamment, à la protection de la commissaire divisionnaire Christine Santini - chef direct du commandant Carat -, est loin d'être aisée. Si elle veut rejoindre la Crim' et gagner la confiance du groupe, elle devra ne compter que sur elle-même et faire ses preuves sur le terrain... Le corps d'une urgentiste est retrouvé dans la cave d'un immeuble en chantier. Enchaînée et sauvagement torturée, la victime a eu la langue sectionnée et le bras brûlé. Un détail étrange attire immédiatement l'attention des policiers : les blessures infligées ont été soignées ante mortem et le corps martyrisé a été disposé tel un gisant du Moyen Age rendu à la paix éternelle... Les empreintes ont été effacées, aucune trace d'ADN n'a été trouvée. Aucun élément ne permet d'orienter l'enquête et le groupe Carat piétine alors que la hiérarchie, les médias et le public réclament des résultats rapides. L'une des pistes envisagées s'oriente vers un conducteur d'engins, Teddy Brunet, qui travaillait sur le chantier où a été trouvée la victime et, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a un sérieux problème avec les femmes. Quand d'autres cadavres, tués selon le même mode opératoire, sont retrouvés, l'enquête bascule. Dans un monde en proie au doute vis-à-vis de l'institution judiciaire, oserait-on se faire justice soi-même ? Le tueur suivrait-il les commandements de la Bible - qu'il a sérieusement revisités...! - en pratiquant des ordalies ?
Plus qu'une enquête, L'Archange du chaos débrouille les fils de plusieurs quêtes, celles de personnages torturés, qui sont au bord du précipice, qui cherchent à retrouver leur foi en l'homme, leur confiance en eux-mêmes, leur foi en leur métier. Tous les personnages naviguent en duo, pour le meilleur et pour le pire, chaque nouvel indice semble destiné à les renvoyer à leur propre histoire, à leurs propres défaites. Les repères temporels s'effacent, les pires tortures inventées par l'homme au cours des temps réapparaissent au fil des meurtres mis en scène par un humain qui se prend pour "un milicien divin en lutte contre le chaos". L'Archange du chaos renoue avec l'univers sombre et violent de Vox et de Cobra. Dominique Sylvain joue habilement avec les écrits de la Bible et la pratique de la justice divine. Et elle crée, au sein de la section Carat, une galerie de personnages ambigus, attachants et admirablement dessinés.