L'épistémologie génétique a été définie par Piaget comme l'étude scientifique de l'« accroissement des connaissances et de ses lois ». Prise à la lettre, toutefois, cette définition conduirait à un malentendu. L'accroissement des connaissances ne signifie pas plus l'histoire des découvertes à travers l'humanité que, chez l'enfant, l'étude des processus d'acquisition. Il s'agit, en revanche, dans l'un et l'autre cas, d'analyser les structures successives du savoir et de dégager, par-delà l'accident événementiel, les principes d'une construction, dont Piaget reste convaincu qu'elle est orientée dans le sens d'une conceptualisation toujours plus abstraite, plus profonde et plus générale. L'analyse historico-critique doit coopérer dans ce propos avec l'étude psychogénétique. Mais la première n'est pas une étude « historique » à proprement parler : elle prend en compte la pensée scientifique à l'œuvre dans les grands changements à temps longs plutôt que la chronologie de ses progrès. Et la seconde, si elle met au jour de troublants parallélismes (certaines interprétations de la causalité, de la vie, etc., chez l'enfant de 5-6 ans rappellent les explications aristotéliciennes), ne préjuge en aucune manière, comme on se plairait à l'imaginer à la fin du XIXe s., que l'enfant « récapitule » dans son devenir les étapes de la conscience humaine (occidentale).