Une monumentale manipulation entraine deux couples, les meilleurs amis du monde, dans un piège vénéneux. Manipulation mentale, poison, crime parfait, amour, haine, tout se déchaine pour provoquer l'inéluctable issue. Le capitaine Merz, flic fantaisiste et complexé, entre dans la danse. Génial d'après sa mère, incontrôlable et vaniteux d'après tous les autres, il renifle dans l'indifférence générale, l'odeur des catastrophes qui s'annoncent. Flanqué de Vingt-deux, son bras droit batave et secondé par une jolie scientifique accorte, tout à la fois helvète et perspicace, Merz tente d'enrayer l'inéluctable mécanique qui menace les quatre marionnettes dont la vie ne tient qu'à un fil. Sauront-il remonter le temps? Pour le trio improbable, la course contre la montre vient de commencer. Extrait: Le père Anselme était assis sur le banc de pierre attenant à la maison décrépie lui tenant lieu de logis. Une espèce de baraque bancale, composée d'une grande cuisine dont la pièce maitresse était une antique cuisinière à bois, et d'une unique chambre, au rez-de-chaussée elle aussi. Rien ne semblait avoir changé ici depuis le septennat de René Coty si l'on exceptait le calendrier des postes qui presque bizarrement portait l'année 2008. Il était posé près du transistor « la voix de son maître », entré dans sa quarantième année. Le buffet de la cuisine était noyé par un bric-à-brac de prospectus, de piles usagées, de trucs, de machins et de vieux numéros du « Chasseur français », ouvrages de référence du vieil occupant des lieux. La masure était élargie sur sa droite d'un appentis où une pile de bois immense attendait patiemment l'heure du bûcher tandis qu'une vieille bicyclette aux pneus rouges, sans doute échouée là pendant l'exode, rouillait stoïquement. Le père Anselme admirait sa montagne en fumant du gris. C'était là son occupation favorite depuis que l'arthrose l'avait cloué ici. Cinquante ans durant, il avait parcouru les alpages en tous sens, dormant souvent là haut, dans les abris. Il avait gardé les troupeaux de moutons durant l'estive. Il avait aimé ça mais aujourd'hui, « y pouvait pus », alors, il regardait. Un con de citadin ou un ignorant de la plaine ne pouvait pas comprendre qu'ici, il se passait toujours quelque chose. Ils ne voyaient pas les infimes modifications qui agitaient son domaine à chaque instant. Le père Anselme n'était pas riche mais la vue qu'il avait depuis sa maisonnette n'avait pas de prix. Posée à ses côtés, la paire de jumelles réglementaires qu'il utilisait dans les Aurès pendant les « opérations de maintien de l'ordre » et dont il avait considéré que l'État français lui avait fait cadeau, omettant, en conséquence, de les rendre à sa démobilisation en 1962. Le père Anselme n'était pas si vieux, mais il faisait vieux. Tanné par le soleil d'été et gercé par les gels hiémaux, son visage ressemblait à la Mer de Glace toute proche, succession de rides et de crevasses. Il observait le manège des animaux, écoutait les tracteurs qui passaient au loin et humait les parfums et les odeurs. Il ne s'ennuyait jamais. Son dernier chien de troupeau, assis à ses pieds, était très vieux et semblait attendre, comme son maître, la fin d'une existence qui traînait en longueur. Il regardait son maître qui regardait la montagne. Tout était paisible. Ça sentait la mort, mais pas trop.