Écrire plongé dans la solitude physique et mentale, attendre la publication du livre, sa distribution, la parution des critiques et enfin la réaction de quelques lecteurs, tout cela peut prendre des mois, voire des années. C'est bien différent d'écrire un blog, sur Twitter ou Facebook, pour des milliers de lecteurs qui, à l'instant où l'on met le point final à une phrase, pianotent sur leurs claviers et envoient leurs réactions, critiques et éloges, exposant aussi leurs points de vue. On passe du monologue au dialogue constant. Savoir que notre phrase, obligatoirement courte, à peine écrite sera lue par une multitude d'amis fait naître en nous une énergie euphorique qui confère aux mots une vibration vitale.
L'idée d'entreprendre l'aventure dont ce livre est le témoignage ne me serait jamais venue à l'esprit si mon fils Adán ne m'avait incité à le faire. Il m'a dit : «La littérature d'ermites narcissiques gît dans le mausolée du XXe siècle. Aujourd'hui la littérature, en particulier la poésie, naît d'une étroite collaboration entre l'écrivain et ses lecteurs : ensemble, ils créent l'oeuvre. Ceux qui te lisent se connectent avec toi, te suivent, te répondent, mais si ce que tu dis n'est pas ce qu'ils désirent entendre, ils te coupent la langue par un unfollow, ils t'abandonnent. Tu dois les gagner chaque jour, les surprendre, les convaincre, les secouer, les caresser. Telle une barque habitée par eux, tu dois avancer sur la mer sombre de l'inconscient pour arriver à la Conscience.»
Contrairement à ceux qui n'utilisent ce moyen que pour parler d'eux, lorsque je me suis baptisé «@alejodorowsky» pour m'exprimer sur Twitter sous la devise «Re-évolution poétique, la Conscience au pouvoir !», je me suis promis d'entrer sur le territoire de l'impersonnel, parlant seulement de thèmes exempts du parfum nombriliste qui se dégage de tant de tweets. Cette tâche, bien qu'elle ne soit pas facile, est devenu un jeu enrichissant : toute pensée, aussi importante et complexe fût-elle, devait être condensée en une phrase de 140 caractères (ou moins, mais pas un de plus). Ces phrases, en raison de leur implacable caractère impersonnel, je les ai appelées métaphorismes. Mon éditeur français a choisi 365 de ces sortes de psychoproverbes pour rythmer l'année.