Ma Bretagne est une île, une grande île entourée par l'histoire de France, au pays d'Armor, la pointe aiguë du socle européen.
Ma Bretagne est le pays des abers. J'ai grandi à l'Aber Idult, le premier port goémonier d'Europe, un gisement laminaire aux vertus méconnues : il absorbe à lui seul autant de dioxyde de carbone que toute la forêt d'Amazonie.
Ma Bretagne est le pays des miens, disparus ou vivants : ma mère Yvonne, la première à me bercer de chansons et d'histoires ; mon père « Henri le magnifique », l'homme et l'écrivain que j'ai le plus admiré ; mes frères, Hervé, Tanguy, et ma sœur Anne, la pianiste.
Ma Bretagne est le pays du vent, des partances.
Ma Bretagne est le pays des travailleurs de la mer : pêcheurs à pied, pêcheurs à flot, patrons pêcheurs, pêcheurs hauturiers, gabariers, goémoniers, batteurs de grèves, humbles titans amphibies qui font corps avec le bateau pour aller loin ou qui s'en tiennent aux entrelacs périlleux du trait côtier, là où brumes et courants multiplient les noyés.
Ma Bretagne est le pays des Bretonnes, le pays des épouses et des veuves
Ma Bretagne est le pays des Pardon, fête où l'on se lave autant du péché par le mea culpa que par le péché lui-même, après avoir brandi croix et bannières sur le sentier du douanier.
Ma Bretagne est le pays des souvenirs, les miens et ceux des anciens qui m'ont raconté l'Armorique d'avant les moteurs, la Bretagne mal aimée, vexée, réduite au silence, la Bretagne de Bécassine en délicatesse avec l'État français.
Ma Bretagne est le pays des mangeurs de lumière, Gauguin ou Méheut, tant d'autres venus chercher leur nombre d'or et leur nuance à Pont-Aven.
Ma Bretagne est mon pays usuel, mon pays définitif, j'y naîtrai toujours.