Ce livre n'est pas un travail d'érudition, ni la poursuite d'un thème quelconque, pas davantage un survol de la société médiévale, ni de son économie, ni de son histoire culturelle ou artistique durant un millénaire. Ce n'est que l'histoire de pauvres gens, des gens ordinaires, ceux qui ont pour souci la pluie ou le chien, ce qu'il y a dans leur écuelle et ce qu'a raconté la voisine, le soulier qui vous blesse ou la partie de ballon ; et Dieu, enfin, qui sait et voit tout. On ne rencontrera donc ici ni chevaliers en armes, ni moines en prière, ni officier du roi, ni riche marchand, ni maître des écoles qui ne sont que les écumes du Moyen Age ; mais tous les autres, ceux dont on ne parle jamais parce qu'ils ne parlent pas, mais dont les peines et les joies sont toujours les nôtres. Ce livre aura atteint son but s'il parvient à jeter bas tous les poncifs, les a priori, les rabâchages et les erreurs dont se charge le mot «moyenâgeux» quand en use le populaire qui ne sait pas, et surtout les puissants, ceux qui dominent le politique, l'économique et l'information, et qui y lisent, dans une ignorance béate et obstinée, tout ce qui relève de l'infamie, de la violence, de l'anarchie ou de l'inculture. Dans un siècle qui est en passe de battre tous les records en ces domaines, peut-être serait-il temps d'approcher le «commun» des temps médiévaux, ces neuf hommes ou femmes sur dix auxquels nous ressemblons tant.