Nous avons changé d'époque : l'éventualité d'un bouleversement global du climat s'impose désormais. Pollution, empoisonnement par les pesticides, épuisement des ressources, baisse des nappes phréatiques, inégalités sociales croissantes ne sont plus des problèmes pouvant être traités de manière isolée. Le réchauffement climatique a des effets en cascade sur les êtres vivants, les océans, l'atmosphère, les sols. L'erreur serait de croire qu'il s'agit d'un " mauvais moment à passer " avant que tout ne redevienne " normal ".
Pourtant, alors que beaucoup s'accordent à voir dans le mode de croissance actuel la cause principale de cette mutation, nos dirigeants continuent à pré-tendre que la poursuite de cette croissance irresponsable, voire criminelle, serait la seule solution pour faire face à ces défis. Ce n'est pas pour rien que la catastrophe de la Nouvelle-Orléans a frappé les esprits : la réponse qui lui a été apportée l'abandon des pauvres tandis que les riches se mettaient à l'abri apparaît comme un symbole de la barbarie qui vient, celle d'une Nouvelle-Orléans à l'échelle planétaire. Mais il ne s'agit pas seulement de refuser et de dénoncer.
Dans ce livre décapant, Isabelle Stengers multiplie les exemples, des inventeurs de logiciels libres aux jurys citoyens, montrant comment on peut résister aux expropriations et aux destructions du capitalisme, qui sapent la possibilité d'expériences collectives et annoncent la barbarie. Les temps de la lutte et de la création doivent apprendre à se conjuguer. La lutte politique passe par la constitution de caisses de résonance telles que ce que vivent les uns fasse penser et agir les autres, mais aussi que ce que réussissent les uns, ce qu'ils font exister, devienne autant de ressources pour les autres.