Que l'histoire ait fait d'eux des victimes ou des bourreaux, ceux qui ont vécu la Guerre d'Algérie ont tous à transmettre aujourd'hui des Paroles de torturés. Qu'ils aient subi des sévices corporels ou psychologiques ou des spoliations, qu'ils en aient été les auteurs, qu'ils en aient été les simples témoins, tous ont été torturés d'une certaine manière, et garderont jusqu'à la fin de leur vie les séquelles de la tragédie dont ils ont été les acteurs. La Guerre d'Algérie a pris fin il y a près de 50 ans, en Juillet 1962.
C'était une guerre civile qui s'était accompagnée dans les deux camps de toutes les horreurs, de tous les excès de toutes les exactions, commises aussi bien en Algérie qu'au sein même de la métropole. Dès 1956, le ton avait monté : attentats, ratonnades, bavures. La spirale infernale des attentats à la bombe, des assassinats, des exécutions sommaires et de la torture allait se déchaîner. Guy Mollet était Président du Conseil depuis le 1er février 1956. Il dirigeait un gouvernement socialiste et gérait le conflit avec le concours de son garde des Sceaux François Mitterrand.
En 1954, Le Monde était encore un journal tout jeune en 10 ans plus tôt, à la demande du Général de Gaulle, pour remplacer Le Temps et pour effacer les traces indignes de la presse de la collaboration. De 1954 à 1958, Le Monde n'allait pas cesser de recevoir des lettres de ses lecteurs, torturés ou simples témoins, et parfois acteurs de la torture : civils ordinaires, appelés d'Algérie, militaires, étudiants Algériens, résidant en Métropole ou en Algérie et qui envoyaient au journal leurs témoignages ou la copie de leurs lettres envoyées à la justice ou à d'autres instances, telles que la commission de sauvegarde du droit et des libertés individuelles.