Oakland, c'est l'envers du rêve californien : des ghettos délabrés où végètent les victimes des crises industrielles successives, des quartiers où la pauvreté et la violence sont monnaie courante et font voler en éclats le mythe du melting-pot américain. C'est là que T-Bird Murphy passe son enfance, puis son adolescence, d'abord chez sa mère qui héberge un gang de Hell's Angels puis dans une caravane, derrière la station-service où son père, tout juste sorti de prison, s'oublie en travaillant comme une bête de somme. T-Bird évolue dans un monde crépusculaire où la mort n'est jamais loin, mais Oakland est aussi la ville natale de Jack London et, comme lui, T-Bird ressent l'appel du grand large, cette envie de vivre enfin libre. Gris-Oakland est le récit d'une enfance pauvre, ouvrière et laborieuse dans l'Amérique des années soixante et soixante-dix, un monde de durs à cuire à qui la vie n'a jamais fait de cadeau et qui ne peuvent compter que sur leur force physique pour survivre. A travers le parcours accidenté de T-Bird, l'auteur trace un tableau impitoyable du monde du travail américain où les ouvriers originaires du pays ne valent pas grand-chose, et les ouvriers immigrés, ces fameux wetbacks qui ont traversé le Rio Grande, carrément rien du tout. Jamais misérabiliste ni geignard, Gris-Oakland nous présente des hommes fatigués, parfois écrasés par le rouleau compresseur de l'économie, mais des hommes dignes, des hommes toujours debout.