Ni vivants, ni morts : les disparus sont là, dans cet interstice, ce no man's land, invisibles aux yeux du monde, sans corps, sans tombe, sans
aucune existence. Arrachés à leur vie, et comme dissous dans l'atmosphère. Pour leurs proches, aucune possibilité de recours, le deuil
impossible, l'angoisse interminable, les menaces, l'hypocrisie des autorités.
Depuis une dizaine d'années, on compte plus de 30 000 disparus au Mexique. Avec les 43 étudiants de l'École normale d'Ayotzinapa, l'onde de
choc s'est répandue dans le monde, mais ni la pression internationale, ni les associations des droits de l'homme, ni les initiatives des familles
n'ont suffi, dans ce cas comme dans d'autres, à faire apparaître la vérité – et encore moins à enrayer le phénomène.
L'enquête fouillée de Federico Mastrogiovanni, à travers des entretiens avec les parents des victimes, des experts, des activistes, des
journalistes, démontre que la disparition forcée est un outil de pouvoir, qui vise à la fois à dissuader toute velléité d'opposition (politique,
territoriale, etc.) et à intimider les populations dans des zones convoitées par les multinationales – sujettes à expropriation (zones minières,
pétrolifères, gazières,etc.). C'est le portrait sensible et effrayant d'un pays miné par la peur, où l'État piétine sciemment ses propres prérogatives
– et les droits de ses citoyens – quand il ne se comporte pas directement comme le pire des délinquants.