En réaction à la vulgate officielle qui a fini par statufier Colbert, une vision parfois iconoclaste, faisant apparaître un ministre aux réussites moins incontestables qu'on ne l'a dit, un homme moins vertueux qu'on ne l'a présenté.
Rien ne prédisposait Jean-Baptiste Colbert, né en 1619, à une carrière politique : il aurait dû prendre la succession de son père Nicolas, riche marchand drapier originaire de Reims, qui vend ses marchandises dans toute l'Europe. Et pourtant. À vingt-quatre ans, Jean-Baptiste entre comme commis au service du puissant Le Tellier, secrétaire d'État à la Guerre de Richelieu. À trente-deux ans, il est l'intendant privé de la fortune de Mazarin qui gouverne la France pendant la minorité de Louis XIV. Dix ans plus tard, il est le plus proche conseiller de Louis XIV qui le fait entrer au Conseil d'en-haut comme ministre d'État, le nomme surintendant des Bâtiments (1664), contrôleur général des Finances (1665). Pendant plus de vingt ans, il aura incarné l'État aux côtés du Roi-Soleil. On connaît l'image consensuelle et convenue de Colbert telle qu'elle a été forgée et véhiculée par les historiens de la IIIe République : le ministre mesuré, austère, intègre, pragmatique, serviteur jusqu'au sacrifice personnel de son roi, de l'État, du royaume. Au fil de ces pages, celui que Mme de Sévigné appelait " le Nord ", craignant " la glace qui l'attendait " juste avant d'entrer en audience avec lui, apparaît tel qu'en lui-même : prêt à tout pour conquérir puis conserver le pouvoir, d'une rare violence devant les obstacles, retors, machiavélique et manipulateur (les épisodes de sa lutte contre Fouquet, le surintendant des Finances qu'il finira par abattre, sont là pour le démontrer), ne pensant qu'à placer les membres de sa famille aux plus hauts postes et à accroître sa fortune par tous les moyens, même frauduleux.