Jamais avant Spike Lee un cinéaste n'avait filmé le ghetto du point de vue d'un accro au crack se vantant d'avoir " fumé la télé Sony de sa mère " ou d'un sneaker addict entrant dans une rage folle lorsqu'un cycliste caucasien (on ne disait pas encore hipster à l'époque) a roulé sur sa paire de Jordan immaculée. En inventant la " street culture ", creuset d'une nouvelle mythologie urbaine au fil des décennies, l'auteur de Do The Right Thing est aussi devenu le père-fondateur du film " hip hop " en intégrant le rap à son espace narratif. Ce gamin de Brooklyn, trop petit et trop frêle pour s'illustrer sur les terrains de basket, aura ainsi esthétisé dans sa représentation cinématographique la pratique du basket de rue, à travers la figure de Michaël Jordan et de ses défis quotidiens aux lois de la gravité... Celui qui dit " emmerder John Wayne " et a menacé Wim Wenders avec une batte de baseball au festival de Cannes a influencé, dans le monde entier, la mode, le langage, les codes, l'esthétique, l'attitude, voire le folklore, de plusieurs générations.
Ce livre n'est pas une biographie exhaustive mais bien une ballade gonzo et " rap'n'roll " nourrie d'une approche journalistique dans la lignée des écrits de Nick Cohn, Nick Kent ou encore Jeff Wang. À travers la vie et l'œuvre de Spike Lee, c'est une certaine histoire de l'Amérique que nous sommes amenés à raconter, d'une Amérique noire pas encore totalement remise de l'épidémie de crack des 90's, ni des drames nationaux provoqués par les attentats du 11 septembre 2001 et les dévastations de l'ouragan Katrina en août 2005, sans compter les bavures policières de 2014.