» Article de 19.01.2023 » page 20

Le sourire sarde - Petru Dumitriu

Le lieu : en Sardaigne, un village isolé, immobile, au bord de la mer. Des maisons frustes au creux d'un ravin ; et sur la colline une grande demeure et ses vignes maigres. Une terre aride, un soleil implacable.

Les personnages : des bergers, des paysans et des pêcheurs. Enfermés dans leurs dialectes, étrangers les uns aux autres. Dans la grande maison, plus étrangers encore, Carl-Gustaf Enquist, un brillant archéologue suédois, retiré là depuis une dizaine d'années avec sa femme, Freya, dangereusement belle et indifférente et leur fils Mikaël. Retraite étrange, passive, interrompue seulement par la visite chaque été d'un ancien élève d'Enquist – celui qui parle ici.


L'action : dès son arrivée au village, le narrateur a ressenti un malaise. Personne n'est venu, comme à l'accoutumée, l'attendre. A mots couverts, mensongers sans doute, les paysans évoquent les "événements". Dans la maison en désordre, Carl-Gustaf est seul, plongé dans l'inconscience d'un coma éthylique. Autour de lui, des feuillets épars : la lettre d'adieux de Mikaël à son père, un message délirant de Carl-Gustaf à sa femme. Le narrateur commence à lire, et dans sa mémoire les souvenirs – images, répliques, indices presque insignifiants – se lèvent, répondent aux textes déchiffrés ou les éclairent. Le drame naît (renaît) et se déploie depuis ses premiers signes, lointains et flous, jusqu'à sa résolution fatale. Sous le regard, semble-t-il, de ces divinités archaïques dont Carl-Gustaf aimait le sourire impénétrable.


Petru Dumitriu rompt ici avec les décors baroques et les troubles intrigues de l'Europe occidentale. Le lieu est en marge de l'Histoire, l'action respecte l'unité de temps tragique et, dans la clôture du cercle familial, les êtres ne connaissent plus que des passions élémentaires – innocentes et coupables. Un récit dépouillé, exposé dans une lumière crue qui dévoile nos ténèbres essentielles et qui tient le lecteur dans un suspense violent et cruel.



Patagonie route 203 - Eduardo Fernando Varela

Un merveilleux premier roman.

Au volant de son camion, un énigmatique saxophoniste parcourt la géographie folle des routes secondaires de la Patagonie et subit les caprices des vents omniprésents.

Perdu dans l'immensité du paysage, il se trouve confronté à des situations aussi étonnantes et hostiles que le paysage qui l'entoure. Saline du Désespoir, La Pourrie, Mule Morte, Indien Méchant et autres lieux favorisent les rencontres improbables avec des personnages peu aimables et extravagants : un journaliste qui conduit une voiture sans freins et cherche des sous-marins nazis, des trinitaires anthropophages qui renoncent à la viande, des jumeaux évangéliques boliviens gardiens d'un Train fantôme, un garagiste irascible et un mari jaloux...

Au milieu de ces routes où tout le monde semble agir avec une logique digne d'Alice au pays des merveilles, Parker tombe amoureux de la caissière d'une fête foraine. Mais comment peut-on suivre à la trace quelqu'un dans un monde où quand on demande son chemin on vous répond : " Vous continuez tout droit, le jeudi vous tournez à gauche et à la tombée de la nuit tournez encore à gauche, tôt ou tard vous allez arriver à la mer " ?

Ce fabuleux premier roman est un vrai voyage à travers un mouvement perpétuel de populations dans un paysage dévorant, auquel le lecteur ne peut résister.

" Une extraordinaire réinvention de la Patagonie argentine ! "



Les Vagues - Virginia Woolf

Publié en 1931, Les Vagues se compose d'une succession de monologues intérieurs entrecroisés de brèves descriptions de la nature. Chaque personnage donne sa voix et se retire dans un mouvement rythmé qui évoque le flux et le reflux des marées. « J'espère avoir retenu ainsi le chant de la mer et des oiseaux, l'aube et le jardin, subconsciemment présents, accomplissant leur tâche souterraine... Ce pourraient être des îlots de lumière, des îles dans le courant que j'essaie de représenter ; la vie elle-même qui s'écoule. »
Préface et traduction de Marguerite Yourcenar.



Hervé Hamon - Tant qu'il y aura des élèves

Tout juste vingt ans après Tant qu'il y aura des profs, qui a fait date, permettant aux Français de voir leur école toute nue, Hervé Hamon est revenu sur ses pas, visitant de la cave au grenier nos lycées et collèges publics. Il a retrouvé ses anciens témoins, rencontré ceux qui les ont remplacés, suivi les cours au fond des classes, écouté tout le monde, élèves, profs, experts français et étrangers.

Sur ses traces, on va de surprises en surprises. La banlieue, c'est pire, mais le collège, c'est mieux. L'enseignement professionnel, c'était un parking à chômeurs, et aujourd'hui, c'est là que ça bouge. Quant aux lycées, ils produisent deux fois plus de bacheliers, mais ils les discriminent.

Cette école n'est pas juste. Elle n'est pas juste avec les plus démunis. Elle n'est pas juste avec les filles – qui sont pourtant les meilleures élèves. Elle oriente mal et hypocritement. Elle crée, sous la pression de parents consommateurs, des zones de relégation. Les Français exigent le meilleur établissement pour leur rejeton. Mais surtout pas pour celui du voisin.


La question n'est pas de conserver ou non " le collège unique ". Car il n'est pas unique, le collège. La question n'est pas d'inscrire ou non " l'élève au cœur du système ". Il ne s'y trouve guère, l'élève. La question est de sortir de cette hypocrisie, de former mieux les jeunes, de gagner en qualité. Car une école plus exigeante, plus performante, est une école plus équitable.

Ce n'est pas d'abord une question d'argent mais de volonté politique et de renoncement aux corporatismes.

Un livre de faits. Un livre de terrain, qui se lit comme un récit de voyage.



Le Bourgeois de Paris au Moyen Âge - Jean Favier

Dernier ouvrage de l'un des plus grand historien du XXe siècle, Le Bourgeois de Paris au Moyen Âge revient sur les hommes – commerçants, boutiquiers, artisans, gens de finance, praticiens du droit, collaborateurs de l'administration royale, officiers de justices diverses, attachés aux institutions d'Église – qui, aux côtés du roi, ont fait de Paris la première ville d'Europe. Sous la plume de Jean Favier, détails pittoresques et anecdotes savoureuses émaillent le récit de la vie d'une population qui n'a pas sa pareille dans la France du Moyen Âge. Et à travers la question de la notabilité bourgeoise, il traverse l'ensemble de l'histoire médiévale de la cité parisienne. « Le Paris médiéval, de l'aube ou du soleil couchant, respire et s'active sous nos yeux. Et Jean Favier en est le guide ardent. » Télérama


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