Le lieu : en Sardaigne, un village isolé, immobile, au bord de la mer. Des maisons frustes au creux d'un ravin ; et sur la colline une grande demeure et ses vignes maigres. Une terre aride, un soleil implacable.
Les personnages : des bergers, des paysans et des pêcheurs. Enfermés dans leurs dialectes, étrangers les uns aux autres. Dans la grande maison, plus étrangers encore, Carl-Gustaf Enquist, un brillant archéologue suédois, retiré là depuis une dizaine d'années avec sa femme, Freya, dangereusement belle et indifférente et leur fils Mikaël. Retraite étrange, passive, interrompue seulement par la visite chaque été d'un ancien élève d'Enquist – celui qui parle ici.
L'action : dès son arrivée au village, le narrateur a ressenti un malaise. Personne n'est venu, comme à l'accoutumée, l'attendre. A mots couverts, mensongers sans doute, les paysans évoquent les "événements". Dans la maison en désordre, Carl-Gustaf est seul, plongé dans l'inconscience d'un coma éthylique. Autour de lui, des feuillets épars : la lettre d'adieux de Mikaël à son père, un message délirant de Carl-Gustaf à sa femme. Le narrateur commence à lire, et dans sa mémoire les souvenirs – images, répliques, indices presque insignifiants – se lèvent, répondent aux textes déchiffrés ou les éclairent. Le drame naît (renaît) et se déploie depuis ses premiers signes, lointains et flous, jusqu'à sa résolution fatale. Sous le regard, semble-t-il, de ces divinités archaïques dont Carl-Gustaf aimait le sourire impénétrable.
Petru Dumitriu rompt ici avec les décors baroques et les troubles intrigues de l'Europe occidentale. Le lieu est en marge de l'Histoire, l'action respecte l'unité de temps tragique et, dans la clôture du cercle familial, les êtres ne connaissent plus que des passions élémentaires – innocentes et coupables. Un récit dépouillé, exposé dans une lumière crue qui dévoile nos ténèbres essentielles et qui tient le lecteur dans un suspense violent et cruel.