Auteur(s) : Scénario : Stento, Samuel - Dessin : Trouillard, Guillaume
Éditeur : Les Éditions de la Cerise
Collection : La Cerise sur le gâteau
Date(s) de parution : 2009
Éditeur : Les Éditions de la Cerise
Collection : La Cerise sur le gâteau
Date(s) de parution : 2009
Mettez un Sioux dans votre vie ! En 1879, Irving McMulligan, parangon du self-made-man à l’américaine, inventait un procédé exclusif permettant de mettre les Indiens en conserve. Grâce à la Mulligan’s Tradition Inc., le rêve américain s’exporte désormais dans le monde entier. Qui refuserait en effet "Le Far-West à la maison pour 19 euros seulement", surtout quand la boîte existe aussi en format familial !
Pour ce couple de retraités poitevins, la tentation est bien trop grande, mais l’appartement ne l’est manifestement pas assez. A mesure que la famille indienne prend ses aises, improvise un canoë dans le buffet ou dresse un tepee dans le salon, le couloir prend des allures de canyon et la cuisine est progressivement colonisée par des chercheurs d’or qui n'hésitent pas à dynamiter les canalisations. La voisine du dessous ne tarde pas à se plaindre d’infiltrations d’eau. Il n’en fallait pas plus pour que déferlent les services de l’immigration (et de l’identité nationale) : c’est qu’à la différence de l’Ouest sauvage, il est exigé, dans l’Occident modernisé, que l’on justifie de son identité et de la régularité de son séjour… L’appartement est assiégé, le vestibule occupé. Le petit groupe doit se retrancher dans les forêts de la chambre à coucher. C’est de survie dont il s’agit désormais, d’une ultime insurrection de l’imaginaire, quand bien même la résistance serait dérisoire ou la guerre déjà perdue.
Avec beaucoup de rigueur et de minutie, Gabriel Stento et Guillaume Trouillard s’emploient à décrire un univers burlesque où chaque situation est poussée à son extrême absurde : autant de variations surréalistes sur des thèmes qui imprégnaient aussi le précédent album de Guillaume Trouillard : Colibri. Dans ce dernier, préfigurant les conserves d'humains de La Saison des flèches, apparaissait déjà, sur l'une des dernières planches, un indigène pêchant des sardines en boîte sous les flashes des touristes. Ici, tandis que de vastes plaines repoussent les murs, que l'aquarelle s'émancipe des contours du crayonné, il est encore question du rapport de l’homme à la nature, de l'urbanisation effrénée et du mépris pour les peuples premiers. Le paternalisme vaguement condescendant du colonisateur est ainsi mis en scène au travers des quelques extraits édifiants d’un mode d’emploi, d’un dépliant publicitaire ou des illustrations confondantes d’un livre d’histoire. A parcourir leur carnet de bord, nos charmants retraités paraissent aussi hésiter un temps quant à la conduite à tenir, sans que l’on sache si leur revirement est inspiré par le mythe rousseauiste du bon sauvage ou par la charité bien ordonnée que commande la morale bourgeoise. C’était, il est vrai, avant la visite du photographe ethnologue Edward S. Curtis (The North American Indian), lequel, au début du XXe siècle, avait pris conscience de l’importance de faire connaître au monde les traditions amérindiennes sans pour autant les réduire à des attractions parquées dans des réserves ou les mettre sous vide dans des cylindres de corned-beef à longue conservation.
Pour ce couple de retraités poitevins, la tentation est bien trop grande, mais l’appartement ne l’est manifestement pas assez. A mesure que la famille indienne prend ses aises, improvise un canoë dans le buffet ou dresse un tepee dans le salon, le couloir prend des allures de canyon et la cuisine est progressivement colonisée par des chercheurs d’or qui n'hésitent pas à dynamiter les canalisations. La voisine du dessous ne tarde pas à se plaindre d’infiltrations d’eau. Il n’en fallait pas plus pour que déferlent les services de l’immigration (et de l’identité nationale) : c’est qu’à la différence de l’Ouest sauvage, il est exigé, dans l’Occident modernisé, que l’on justifie de son identité et de la régularité de son séjour… L’appartement est assiégé, le vestibule occupé. Le petit groupe doit se retrancher dans les forêts de la chambre à coucher. C’est de survie dont il s’agit désormais, d’une ultime insurrection de l’imaginaire, quand bien même la résistance serait dérisoire ou la guerre déjà perdue.
Avec beaucoup de rigueur et de minutie, Gabriel Stento et Guillaume Trouillard s’emploient à décrire un univers burlesque où chaque situation est poussée à son extrême absurde : autant de variations surréalistes sur des thèmes qui imprégnaient aussi le précédent album de Guillaume Trouillard : Colibri. Dans ce dernier, préfigurant les conserves d'humains de La Saison des flèches, apparaissait déjà, sur l'une des dernières planches, un indigène pêchant des sardines en boîte sous les flashes des touristes. Ici, tandis que de vastes plaines repoussent les murs, que l'aquarelle s'émancipe des contours du crayonné, il est encore question du rapport de l’homme à la nature, de l'urbanisation effrénée et du mépris pour les peuples premiers. Le paternalisme vaguement condescendant du colonisateur est ainsi mis en scène au travers des quelques extraits édifiants d’un mode d’emploi, d’un dépliant publicitaire ou des illustrations confondantes d’un livre d’histoire. A parcourir leur carnet de bord, nos charmants retraités paraissent aussi hésiter un temps quant à la conduite à tenir, sans que l’on sache si leur revirement est inspiré par le mythe rousseauiste du bon sauvage ou par la charité bien ordonnée que commande la morale bourgeoise. C’était, il est vrai, avant la visite du photographe ethnologue Edward S. Curtis (The North American Indian), lequel, au début du XXe siècle, avait pris conscience de l’importance de faire connaître au monde les traditions amérindiennes sans pour autant les réduire à des attractions parquées dans des réserves ou les mettre sous vide dans des cylindres de corned-beef à longue conservation.
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