L'écriture de Stig Dagerman est précise et sans ornement. Presque dépouillée, elle ne s'autorise que quelques images et comparaisons destinées à clarifier le propos aussi bien qu'à toucher le lecteur par leur simplicité. À la lecture de ces quelques pages, le lecteur s'étonne de la capacité de Stig Dagerman à mobiliser et à articuler concepts philosophiques vastes et logique discursive rudimentaire. Bien que philosophique, le propos est accessible grâce à l'implication de son auteur, lequel s'efforce d'être compris (littéralement et humainement) ; c'est pourquoi l'on peut dire que la rhétorique de ce texte est avant tout émotionnelle, bien que bâtie autour d'une réflexion rigoureuse. Le ton est maîtrisé, grave et souriant à la fois, alternativement sombre et lumineux, mais ne verse jamais dans l'excès. Cette contenance et cette humilité sont remarquables au fil de cet écrit court et jamais prétentieux. Dagerman compose un style crépusculaire teinté de stoïcisme que l'on pourrait croire artificiel par son unité, alors qu'il sonne si naturel. L'impression de bilan qui se dégage de cette écriture soignée et ramassée témoigne de l'état des réflexions de Dagerman peu avant son suicide : ses pensées se débarrassent du superflu pour se restreindre à l'équation essentielle de la vie et de la mort.