Depuis une vingtaine d'années, mes amis et moi, nous étudions ces situations étranges que la culture intellectuelle où nous vivons ne sait pas où ranger. Nous nous appelons, faute de mieux, sociologues, historiens, économistes, politologues, philosophes, anthropologues. Mais à ces disciplines vénérables nous ajoutons à chaque fois le génitif : des sciences et des techniques. "Science studies", est le mot des Anglais, ou ce vocable trop lourd "Sciences, Techniques, Sociétés". Quelle que soit l'étiquette, il s'agit toujours de renouer le noeud gordien en traversant, autant de fois qu'il le faudra, la coupure qui sépare les connaissances exactes et l'exercice du pouvoir, disons la nature et la culture. Hybrides nous-mêmes, installés de guingois à l'intérieur des institutions scientifiques, mi-ingénieurs, mi-philosophes, tiers-instruits sans le chercher, nous avons fait le choix de décrire les imbroglios où qu'ils nous mènent. Notre navette, c'est la notion de traduction ou de réseau. Plus souple que la notion de système, plus historique que celle de structure, plus empirique que celle de complexité, le réseau est le fil d'Ariane de ces histoires mélangées.