"Il y a dix ans, j'ai déménagé dans une autre ville. Jusque-là, rien de bien intéressant. Simplement, en déménageant dans une nouvelle ville, j'ai laissé dans l'ancienne tous les livres que j'avais lus et je me suis installé dans un logement où il n'y en avait pas un seul à moi. Et donc, à présent, il y a dans cet appartement dix ans de lecture, ces dix dernières années. Je range les livres les uns à côté des autres, non par ordre alphabétique ou par catégorie, mais suivant l'ordre dans lequel je les ai ouverts (un système que je conseille, d'ailleurs : les soirs d'ennui, on peut examiner le dos des livres et, si on en a envie, passer en revue des pans entiers de sa vie, il suffit d'attendre que revienne le parfum des jours où on les a tenus entre nos mains : et il revient, il revient toujours). C'est pour cette raison que je suis en mesure de dire sans trop de risque de me tromper quels sont les cinquante meilleurs livres que j'ai lus au cours des dix dernières années. Ce qui est un tantinet plus difficile à expliquer, c'est pourquoi j'ai décidé d'écrire sur chacun d'eux, de publier un article par livre et par semaine, chaque dimanche pendant un an. Pour que d'autres les lisent, dirais-je. Et ce serait une raison suffisante. Mais ce n'est pas tout. D'abord, j'aime l'idée de parler de livres, à un moment où il ne semble plus si important de se demander lesquels sont bons et lesquels ne le sont pas, de se disputer et de donner son avis."
Une certaine vision du monde rassemble les chroniques publiées par Alessandro Baricco en 2011 et 2012 dans le quotidien La Repubblica. Avec l'humour et l'intelligence qu'on lui connaît, il y évoque les livres qui lui ont semblé particulièrement significatifs. Des ouvrages qui, à ses yeux, incarnent notre civilisation : la civilisation du livre