Rien n'approche, dans l'histoire du théâtre, le naufrage du répertoire voltairien après un siècle de gloire, qui l'égala à Corneille et Racine, et le fit jouer dans tout le monde occidental, d'Amérique en Russie. Dans notre mémoire, l'ironie a terrassé le pathétique, la prose le vers, sans pour autant sauver les comédies, où le rire se mêle d'ailleurs aux larmes. À elle seule, la curiosité devant des métamorphoses aussi inouïes, un désastre aussi saisissant, devrait suffire à justifier ce choix de quatre pièces pratiquement indisponibles - deux célèbres tragédies, une comédie sentimentale en décasyllabes, une espèce de drame bourgeois en prose.
Mais notre désir va plus loin que le légitime souci de comprendre la chute de la maison Voltaire après tant de splendeur. Nous espérons contribuer à un retour de Voltaire dramaturge dans les lycées et les universités, et pourquoi pas sur les planches. Car en ne voulant retenir du siècle des Lumières que Marivaux et Beaumarchais, c'est un pan tout entier de notre culture et de notre patrimoine théâtral qu'on jette à la voirie, comme autrefois les acteurs non repentis. On supplie Messieurs les directeurs de troupe, Messieurs les metteurs en scène, Messieurs les comédiens, de s'intéresser un peu à la mémoire de leur profession.