" La plupart des hommes de ma famille font de leurs épouses des veuves, et de leurs enfants des orphelins. Je suis l'exception. Ma fille unique, Kate, est morte renversée par une voiture alors qu'elle rentrait de la plage à bicyclette, un après-midi de septembre, il y a un an. Elle avait 13 ans. Ma femme Susan et moi nous sommes séparés peu de temps après. "
Ainsi commence Enon, du nom de la petite bourgade de Nouvelle-Angleterre où Charlie Crosby, percuté de plein fouet par le deuil le plus douloureux qui se puisse imaginer, va entamer une longue descente aux enfers qui le mènera aux confins de la folie. Seul au monde après la mort de sa fille et le départ de sa femme, Charlie fait figure de " dernier homme ", aux prises avec la solitude absolue, la violence du chagrin, et le peuple des fantômes qui ne cessent de l'assaillir : celui de sa fille, dont l'existence trop brève se reconstitue à travers le prisme fragmenté de ses souvenirs chaotiques, embrumés par les médicaments auxquels il ne tarde pas à se retrouver dangereusement dépendant, mais aussi celui de tous les autres morts d'Enon, endormis sous la terre du petit cimetière paroissial que hante obstinément Charlie, errant nuit et jour à la recherche d'une impossible délivrance.
Porté par une écriture somptueuse, tour à tour lyrique et brutale, qui magnifie l'effroi de la mort en une ode bouleversante à la vie et à l'éternité des paysages d'élection, Enon confirme de manière magistrale que Paul Harding fait partie des nouveaux grands auteurs de la littérature américaine contemporaine.