Le projet Fanon a poursuivi John Edgar Wideman des années durant : après avoir lu Les damnés de la terre, l'écrivain américain n'a eu de
cesse de vouloir ressembler à son auteur, l'intellectuel et psychanalyste martiniquais, et démarrer une révolution, qui contribuerait à libérer le
monde du fléau du racisme. Forcé de constater son impuissance, il a entrepris de faire revivre cette figure de la lutte contre l'oppression sous la
forme d'un texte très personnel, dans lequel il imagine un écrivain, Thomas, sorte de double fictionnel de Wideman, qui tente d'écrire sur Fanon,
dans une Amérique d'après le 11 septembre où la peur de l'autre n'a pas faibli.
Ce personnage reçoit un jour un colis étrange, qui contient une tête coupée, et il plonge alors dans une enquête fiévreuse sur l'identité de l'
individu qui s'est présenté à lui sous cette forme macabre comme pour lui rappeler que l'écrivain ne peut échapper à la violence du monde et
qu'il lui revient d'en rendre compte. Mais comment Thomas peut-il procéder sans tomber dans les approximations de la fiction et se laisser
emporter par la flamme de l'idéologie? Avec une intelligence pleine de mordant, Wideman encourage et vilipende sa créature romanesque, lui
offrant la matière de sa propre existence - son enfance dans le ghetto de Pittsburgh, les relations complexes qu'il entretient avec son frère mis
au ban de la société, le courage d'une mère qui aurait aimé rencontrer Fanon - afin qu'il puisse nourrir sa fiction, et utiliser au mieux les
pouvoirs de l'écriture pour rendre compte du monde d'aujourd'hui et de ses démons.