Nous vivons un moment politique inédit dont l'élection d'Emmanuel Macron est à la fois le symptôme et l'opérateur. Les hommes politiques ressemblent plus à leur époque qu'à l'idéologie dont ils se réclament. La nôtre ne fait pas exception. Il fallait à notre pays un certain culot pour élire à la magistrature suprême un jeune homme quasiment inconnu, négociateur habile du compromis autant que "traître" méthodique. Emmanuel Macron est le personnage héroïque de cette modernité où les élites désertent les valeurs de dette, de justice et d'égalité au profit de celles de performance et d'efficacité. La vision du monde d'Emmanuel Macron est sans cesse claironnée : l'entreprise est le "foyer d'expérience" à partir duquel doit s'organiser le gouvernement de soi et des autres. Elle doit modeler la société, l'Etat, la Nation start up, l'individu lui-même. Pour mettre en oeuvre cette politique, Emmanuel Macron construit méthodiquement l'édifice d'un pouvoir vertical, Palais des Glaces où se reflète à tous les niveaux l'image hybride d'un Président autoritaire et séducteur, entouré d'une nouvelle aristocratie technico-financière dévouée corps et âme. Cette nouvelle "noblesse" manie la puissance des algorithmes et pratique les réseaux sociaux pour mieux en finir avec les "corps intermédiaires" (syndicats, presse, élus, partis). La tentation d'un gouvernement "post-démocratique" n'a jamais été aussi forte. Au-delà d'une analyse du temps présent, l'ouvrage propose une réflexion sur la nature et l'origine du pouvoir. Rien de nouveau ne saurait advenir sans une remise en cause de notre relation au pouvoir qui ne détient sa force que de notre cécité. Le désir de démocratie suppose un certain courage, courage fraternel de pouvoir dire ensemble que "l'Empereur est nu".