Que peut la littérature? Quelle est la portée politique de l'écriture dite «expérimentale»? De ses débuts avec Tombeau pour cinq cent mille soldats et Éden, Éden, Éden, véritables réquisitoires contre la violence colonialiste française, jusqu'à sa récente trilogie autobiographique qui témoigne d'une sensibilité à toutes les formes de domination sociale, l'ensemble du travail de Pierre Guyotat est caractérisé par une préoccupation constante pour le politique.
Plus que de proposer une simple monographie sur un auteur qualifié aussi bien d'hermétique que de scandaleux, Julien Lefort-Favreau met ici en évidence la cohérence politique et esthétique de l'oeuvre de Guyotat. Il démontre ainsi l'importance de cette littérature française contemporaine qui pense et remet en question la place de l'art dans l'espace social en alliant contestation et recherche formelle, reconnaissance des défaites historiques et espérance, affirmation de soi et désir d'anonymat, autobiographie et écriture de l'histoire. En empruntant aux pensées de Jacques Rancière et de Judith Butler, cet essai trouve dans l'oeuvre de Guyotat une matière pour repenser les mots du politique à l'aide de la littérature.