Sur le bord du trottoir, dans la fraîcheur de l'aube, il attend. Près de lui ses compagnons d'armes, visage fermé, silencieux. Dans un instant ces hommes seront des assassins, des terroristes, ils vont agir sans le moindre état d'âme. Ils sont entraînés à cela, repérés pour cette capacité de se placer instantanément en état de guerre. Vingt-et-un ans plus tard, Antoine sort de prison. Sa fille Rosa n'a pas trente ans, celle qui, pour une large mesure, l'a maintenu en vie pendant tout ce temps, cette présence, cette ultime raison d'être malgré l'enfermement, l'attend ce jour-là. Et pourtant, un père terroriste : quel silence, quelle inquiétante fragilité a-t-elle pu, a-t-elle dû surmonter pour traverser cette impossibilité. Nous sommes en 2037, Paris est une ville où il est devenu impossible de se loger, la faillite sociale est infernale, la rébellion gronde, l'insécurité et l'inégalité sont innommables mais le temps de la révolte ne passe plus par la violence. Lointaines pour la génération de Rosa, ces idées de libération armée sont en quelque sorte périmées : les actions terroristes, les endoctrinements idéologiques n'ont plus de sens, plus de poids, et la démocratie telle que l'a connue le monde du XXe siècle a fait long feu. Il faut maintenant changer le monde, le changer vraiment. En quelques jours une nuée de tentes s'installe dans le jardin Marcel Proust situé aux abords du palais de l'Elysée. Un jeune homme brisé par l'injustice administrative se donne la mort publiquement, des milliers de personnes se mobilisent, au-delà des banlieues, enfermées derrière les murs du Grand Paris, les étrangers émigrés sont retenus mais la rumeur s'infiltre, dans toutes les langues. L'information circule de bouche à oreille, les réseaux sociaux rassemblent et convoquent en chacun la citoyenneté nécessaire au présent. Le temps de l'engagement est venu, celui du passage à l'acte citoyen. Enfin, le mouvement advient.