La lecture des gazettes est la prière du matin des réalistes », disait Hegel, le philosophe à cause duquel mon fils aîné (26 ans) renonça à la philosophie pour vendre des cigarettes électroniques. Il y a eu beaucoup de jours dans ma vie où je me suis levé exprès à l'aube pour acheter les journaux, même quand il n'y avait aucun texte sur moi ou de moi dedans. J'ai publié mon premier article (dans Le Quotidien de Paris) l'année où j'ai publié mon premier roman (au Seuil) : 1974. J'ai toujours fait attention à ce que j'écrivais dans la presse, parce que je lisais la presse avec attention. J'ai écrit dans presque tous les journaux que je lisais, donc dans presque tous les journaux. Cela a formé, avec le temps, une sorte de journal extime dans lequel le plus clair et le plus sombre de ma vie sont conservés. Peut-être me suis-je davantage confessé, au sens chrétien comme au sens sadien du terme, dans les quotidiens et les hebdos de mon pays que je ne l'ai fait dans mes romans de moeurs exotiques et aventureuses. Mes vieux papiers couvre les années 1980 et 1990 que j'ai traversées, pour mes patrons de l'époque ― Roger Thérond de Paris-Match, Bernard Chapuis de Vogue Hommes, François Cérésa de Télé Obs, Jean-Edern Hallier de L'Idiot international, etc., avec la curiosité ardente et parfois avinée et la méchante désinvolture propres à beaucoup de jeunes écrivains de l'époque, quand la morale était encore dans les chaussures et que seules deux choses nous indignaient : le manque d'esprit et l'absence de coeur.