Il n'a pas compris, le bon Dr Elberg. Pas compris pourquoi il a dû dévisser cette plaque qu'il avait été si fier de poser lui-même devant sa porte. Pas compris pourquoi la France qui lui avait donné toutes ses chances l'a soudain rejeté jusqu'aux limites du désespoir. Pas supporté quand il a découvert, livrés aux brutes de Drancy, des tout-petits dont le plus jeune, né dans le camp, n'avait que 14 jours. Pourquoi tant de haine ? Mais les enfants, pourquoi ? Pourquoi ces doudous jetés en vrac qui ne doivent pas être d'une aventure dont on pressent sans l'imaginer toute l'étendue de l'horreur ?
Il faut faire quelque chose. Un réseau s'organise entre Drancy où l'on apprend aux enfants les symptômes des maladies contagieuses que redoutent tant les Allemands, et l'hôpital Rothschild, d'où des médecins complices les évacuent vers des familles d'accueil. Les adultes, eux, parmi lesquels un jeune comédien encore peu connu sous le nom de Robert Manuel, creusent un tunnel qui devrait leur permettre de sortir de cet enfer. Médecin lui-même, Jean-François Elberg, a enquêté sur ces années durant lesquelles son père a pris tous les risques avant le long, très long voyage, qui a eu raison de sa formidable énergie.
Chirurgien, Jean-François Elberg cultive une tradition humanitaire qui l'a mené à s'impliquer dans Médecins du monde et à être l'un des fondateurs avec le Pr Deloche de La chaîne de l'espoir. Elevé par son grand-père maternel, un dentiste qui avait crée en 1914 le premier dispensaire destiné aux Gueules cassées, il a appris très jeune le prix de la générosité mais aussi de la cruauté. Obsédé par une histoire qui est aussi la sienne il n'a eu de cesse que d'en recoudre les lambeaux. Et ils sont terrifiants.