Ivan Illich continue ici sa critique de la société industrielle. En même temps il l'amplifie et la radicalise. Il ne vise plus une institution particulière (l'école, la santé, les transports), mais l'organisation globale. Il dénonce la servitude née du mode industriel de production, le gigantisme des outils, le culte de la croissance indéfinie.
Il s'agit de savoir si l'homme des pays riches (image d'un bonheur fictif sur lequel s'aligne l'espérance des pays pauvres) entend accepter sans murmure l'existence confortable, contrôlée, artificielle, sans responsabilité et sans surprise que lui offre l'institution.
Ou bien, va-t-il sortir de son sommeil, réclamer son droit, reprendre la parole et en même temps le pouvoir de décider. Imposer des limites à cette glu de produits et de biens qui le submerge, rouvrir un espace social de rencontres et d'échanges, se souvenir qu'il a un passé, des voisins, des égaux. Car la convivialité ne se sépare pas de l'équité.
Ivan Illich considère ce livre comme un document de travail, un outil avec lequel poursuivre l'analyse, affiner la réflexion. Il veut qu'on tienne ce texte pour inachevé, modifiable par l'expérience à venir. Car la prise de conscience sociale, le réveil politique, l'inversion des institutions ne seront pas l'oeuvre d'un homme seul, ni d'une poignée d'agitateurs. Il faut des hommes lucides qui en prennent le risque, il faut des dormeurs qui s'éveillent et qui parlent.