Jeune fantassin traumatisé par la Grande Guerre, personnalité en vue du Paris des années folles, homme couvert de femmes, ami d'Aragon - avant de devenir son farouche adversaire -, de Malraux et d'Emmanuel Berl, Pierre Drieu la Rochelle compte parmi les écrivains majeurs du XXe siècle. Son engagement extrême, qui fait de lui une des figures emblématiques de la Collaboration, pose, comme pour Céline, un difficile cas de conscience aux passionnés de littérature.
Fort des acquis récents de l'histoire culturelle et politique, Jacques Cantier montre ce que ce destin nous dit de son temps. D'une jeunesse française de la Belle Epoque jusqu'au suicide de l'écrivain en mars 1945, l'historien éclaire le parcours de cette personnalité complexe. L'oeuvre de Drieu, singulier mélange de classicisme et de modernité, exprime avec violence les angoisses de la génération des » vingt ans en 1914 » : sentiment de décadence, perte des repères, désordre amoureux, hantise de la solitude qui pousse à l'engagement. Mais elle témoigne également de la grave crise de conscience que traverse la France à la fin des années 1930.
Premier des intellectuels français à se déclarer fasciste, Drieu rejoint Doriot et bascule dans l'antisémitisme. Promu directeur de la NRF des années noires, il défend l'intégration de la France au sein d'une Europe unifiée autour d'une Allemagne nazie. Dans ses fantasmes comme dans ses dérives, l'auteur de Gilles et de Rêveuse bourgeoisie demeure le témoin capital d'une époque qui hante encore la mémoire nationale.