Personnalité hors du commun, Virginia Oldoïni, comtesse de Castiglione, vécut plusieurs existences avant de disparaître à l'orée du XXe siècle :conspiratrice, diplomate en jupons, esthète, courtisane émancipée, épistolière, pionnière de la photographie, transformiste à sa façon, elle se joua des identités et des apparences sous couvert de les cultiver. L'excentrique comtesse, dont les autoportraits ont aujourd'hui leur place dans les grands musées, fut avant l'heure un mythe moderne.
Née en 1837 dans une famille de l'aristocratie piémontaise, la comtesse de Castiglione aurait pu connaître le destin sulfureux des courtisanes du Second Empire qui, une fois leur splendeur passée et leur pouvoir caduc, retombèrent dans l'anonymat. Or Virginia de Castiglione était d'une autre trempe. Dotée d'une éducation soignée dans un milieu politisé, la jeune cousine de Cavour, remarquée tant pour sa beauté que pour son habileté,avait été choisie pour séduire l'empereur des Français et le rallier à la cause de l'unité italienne. Au-delà de toute espérance, l'émissaire florentine sut convaincre Napoléon III qui ne résista pas aux charmes de » la plus belle femme de son siècle « .
Dès lors, sa popularité de ce côté-ci des Alpes était assurée. Elle y contribua activement : par l'extravagance de ses costumes de bal et de ses déguisements qui scandalisaient non sans éblouir, la comtesse devint une égérie à la fois adulée et haïe de ses contemporains. Déclinant son image dans d'innombrables mises en scène, elle se lança dans une oeuvre photographique avec la complicité de Pierre-Louis Pierson et fit réaliser d'elle mêmeplus de 450 portraits afin de célébrer sa gloire puis sa déchéance. La fin de la comtesse sera celle d'une artiste narcissique, incomprise et perdue dans sa folie.