Endors-toi, dors maintenant. Dépêche-toi. Ferme les yeux, mais garde la bouche un peu ouverte, que ça ait l'air vrai. Ton souffle doit être régulier et lent, même si ton coeur cogne dans ta poitrine. Il faut que ça marche. Il perçoit ses pas dans les escaliers. Ils ne sont ni marqués ni nerveux, comme avant, ils sont conciliants et obséquieux. Il entend la porte s'ouvrir et se refermer. Encore une de ces journées. Sa respiration est calme, parfois ponctuée d'un soupir, elle est parfaite. Sa tête est posée en travers de son oreiller. Un filet de bave s'échappe du coin de ses lèvres et coule sur sa joue. Son visage doit sembler parfaitement détendu alors que chaque muscle de son corps est douloureusement crispé. Mais ça ne se voit pas.
- Tu dors, mon bonhomme ? (Il écoute le murmure doucereux de cette voix tant détestée.) Allez, faisons la paix avant que tu t'endormes, ça nous fera du bien.
Ce sont toujours ses paupières qui le trahissent. C'est trop dur de les abaisser naturellement.
- Je vois bien tes paupières qui tressaillent. Ne fais pas semblant. Tu n'es quand même pas rancunier ? On fait ça pour ton bien, tu le sais, non ? Allez, faisons la paix.
Ça ne sert plus à rien de fermer les yeux. Il essuie le filet de bave qui a maintenant atteint l'oreille. Et puis la main froide et osseuse glisse à l'intérieur de sa veste de pyjama. Son corps se raidit. Son regard, plein de dégoût et d'effroi, se fixe sur le salaud qui ne s'en aperçoit même pas. Il remarque un battement de cils, mais ignore tout un corps qui se révolte.