Un texte fondamental (l'avant-dernier publié par Virginia Woolf de son vivant et l'un de ses plus frontalement engagés), longtemps épuisé, publié en français en 1976: une fiction épistolaire avec laquelle, à partir d'une question adressée à une femme à l'aube de la seconde guerre mondiale - comment selon vous pouvons-nous empêcher la guerre ? -, l'écrivaine redessine un territoire d'action publique spécifiquement féminin, contre les valeurs sociales dominantes.
Fiction épistolaire et pamphlétaire, Trois Guinées - publié en 1938 - est l'un des moments du dernier geste d'écriture de Virginia Woolf. Face à l'ampleur de la crise que traverse l'Europe et qui mènera à la seconde guerre mondiale, l'écrivain refuse le statut de spectateur impassible. Dans ce livre, une femme répond à la lettre d'un homme lui demandant de l'aide pour empêcher la guerre et préserver la liberté intellectuelle. Quelles sont alors les armes à disposition d'une femme pour fournir cette aide ? Cherchant la réponse, Virginia Woolf dresse une critique redoutable de la société patriarcale, elle lui oppose la puissance d'une société des outsiders, composée d'individus dont l'histoire s'est construite en marge, dans l'ombre des valeurs dominantes (la compétition, l'appropriation et l'exclusion). L'avènement de la société des outsiders est un appel à la dissidence.
« Le Dictateur est là, parmi nous, dressant son horrible tête, répandant son poison, il est encore petit, replié comme une chenille sur une feuille, mais il est au cœur de l'Angleterre. [.] Et la femme qui respire ce poison, qui combat cet animal, secrètement et sans arme dans son bureau, ne combat-elle pas aussi sûrement les fascistes et les nazis que ceux qui les combattent avec des armes, sous les projecteurs ? [.] Ne devrions-nous pas l'aider à écraser l'animal dans notre propre pays avant de lui demander de vous aider à l'écraser ailleurs ? »