C'est un café près de l'Arc de triomphe. Je suis presque toujours assise à la même place. Dans le fond, à gauche derrière le bar. Je ne lis pas, je ne bouge pas, je n'interroge pas mon portable, j'attends quelqu'un.
J'attends quelqu'un qui ne viendra pas et comme je m'ennuie, je regarde la nuit tomber sur L'Escale de l'Étoile.
Derniers collègues, derniers verres, dernières blagues usées, mer étale pendant près d'une heure et Paris s'étire enfin : les taxis rôdent, de grandes filles sortent du bois, le patron tamise et les garçons rajeunissent. Ils déposent une petite bougie sur chaque table - une fausse, qui vacille mais ne coule pas -, et me pressent discrètement : il faut boire encore ou laisser sa place.
Je bois encore.
C'est la septième fois en plus des deux premières que je viens dans ce marigot m'abreuver entre chiens et loups. Je suis précise car j'ai conservé toutes les additions. Au début, j'ai dû imaginer que c'était en souvenir, par habitude ou par fétichisme, mais aujourd'hui ?
Aujourd'hui, je reconnais que c'est pour me retenir à quelque chose quand je plonge la main dans la poche de mon manteau.
Si ces bouts de papier existent, c'est bien la preuve que... que quoi, d'ailleurs ?
Que rien.
Que la vie est chère, près du Soldat inconnu.