Raymond Sohier, "Kinésithérapie analytique de la colonne vertébrale", 2 tomes
Bases-Techniques-Traitements différentiels.
Raymond Sohier, décédé le 8 février dernier (2020), un enseignant passionnant, d’une grande culture, très accessible et toujours valorisant, conducteur d’une analyse rigoureuse qu’il fallait suivre très attentivement pour comprendre la synthèse conduisant au choix du geste thérapeutique pertinent. Un enseignant doublé d’un thérapeute manuel d’une redoutable habileté, patient, généreux, à notre écoute, guidant finement notre pratique puis nous laissant en autonomie sous son regard bienveillant.
Comment oublier cette main, chaude,charnue mais si légère et plastique, qui orientait et modelait la nôtre ? La
qualité de son toucher, qu’il nous faisait partager ? Une pédagogie transmettant certes un savoir-faire, mais d’abord une sensorialité, dans sa dualité touchant-touché, et une qualité d’écoute de la réaction tissulaire. Il
s’agissait bien de tromper en douceur la vigilance des capteurs de pression, en respectant les « trois temps » de l’approche, ce qui permettait de rester dans le micro-mouvement physiologique, avec le corps entier du thérapeute, en eutonie, engagé dans le geste. Percevoir alors, sous notre main ou notre doigt,
un micro-dérapage, simplement en les posant judicieusement, était très étonnant. Pour les cervicales, un battement d’aile de papillon suffisait pour l’efficacité ! J’ai pu alors soulager, en totale sécurité, des personnes très âgées souffrant de cervicarthrose très avancée. Pourquoi en effet chercher à défoncer la porte quand on a la clé ? Le patient habituellement ne sent rien mais Raymond Sohier ajoutait toujours après la réaxation : « Senti ? ». Pour l’avoir éprouvé moi-même, je l’ai toujours interprété comme un cri de bonheur après le travail bien fait, plutôt que comme une quelconque influence psychologique sur le patient.
Dès les années 1950-1960, avec sa vision duale du « mécanogène » et du « pathomécanogène », Raymond Sohier a fait entrer la kinésithérapie, par une porte spécifique, dans la mécanobiologie, nouvelle science maintenant largement enseignée et qui, sous certains de ses aspects, devrait intéresser fortement notre profession. Il ne s’agit plus seulement, en effet, de recouvrer une fonction mais aussi un équilibre biologique. Quel potentiel préventif pour les pathologies articulaires de dégénérescence en particulier !
« C’est l’analyse qui compte, disait souvent Sohier. Vous inventerez ensuite vos propres techniques. » Est-ce à cause de cette obsession de la « recette » qu’il a pu être insuffisamment lu et insuffisamment écouté donc insuffisamment compris ?