L'identification d'une génération ne se réduit pas à un événement dateur -si ample soit-il- ni à un ensemble de cohortes démographiques. Il faut aussi tenir compte d'un nouveau « senti commun » difficile à cerner, car une génération intellectuelle n'est pas composée seulement de gens qui sentent et pensent la même chose : des divergences, voire des oppositions furieuses peuvent la traverser. Comme le montre Michel Winock, ce qui appartient en propre à tous les membres d'une même génération est la question dominante (la guerre, la crise, le communisme, la décolonisation, Internet, l'écologie, etc.) qui a hanté leur jeunesse; les réponses philosophiques et les positions politiques qu'elle induit peuvent être divergentes ou contradictoires : elles font système. La clé générationnelle n'ouvre certainement pas toutes les portes de l'histoire, mais c'est un outil précieux lorsqu'on veut avoir une vue d'ensemble du XXe siècle et mieux comprendre les grandes tendances et tensions idéologiques qui travaillent notre temps.